Avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts
Homélie de fr. Benedikt  |
le 25 février 2024  |
Texte de l'évangile : Mc 9, 2-10

Chers frères et sœurs, sur notre route quadragésimale, une haute montagne surgit. Un éclat de la gloire dont nous tous avons l’aspiration : vivre pour toujours. Jésus nous confirme dans cette aspiration, mais il nous impose encore le silence. Un autre temps de l’écoute doit encore venir. Que veut dire Dieu au milieu de nos disputes ? Que veut-il nous dire au moment du silence de la mort ? Entrons donc dans la célébration de ce deuxième dimanche du Carême patiemment, Dieu veut nous parler encore !

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Chers frères et sœurs, monter sur une haute montagne ne suffit pas. Avoir une vision de la béatitude du monde qui passe, ne suffit pas. Capter, comme quelqu’un qui cueille les fruits tombés par terre, les bribes des paroles divines, ne suffit pas. Il y a en effet beaucoup de paroles qui veulent nous donner l’espérance. Il y a beaucoup de tentatives de saisir un état de grâce particulier, extraordinaire, comme le voulait Pierre : «Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes». Mais il faut encore une clé d’interprétation absolument nécessaire, qui résout l’énigme de ces paroles lointaines d’un Dieu invisible, aussi bien que nos visions concernant le sens de notre vie : «Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.»

Oui, la résurrection de Jésus d’entre les morts est une clé de l’interprétation non seulement pour cette épisode de la vie des premiers disciples de Jésus, mais pour toute sa vie, toute leur vie, pour toute notre vie et enfin pour la vie de Dieu lui-même. Nous ne devons rien dire à personne avant que la vie du Fils de l’homme ressuscité ne soit devenu pour nous l’événement absolument central de notre existence. Sinon nos paroles seront creuses, vides de sens, sans issue. Nous devons attendre, ou plutôt apprendre à vivre de la résurrection de Jésus.

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Après une lecture des textes bibliques dans la liturgie, le lecteur dit : «Acclamons la parole de Dieu.» On répond par l’action de grâce, on s’assoit et arrive le moment de l’interprétation. De la compréhension de ce qui était tout à l’heure annoncé, mais comme couvert encore de l’ombre d’une nuée. «Écoutez ! Écoutez-le !» Appela l’ange du Seigneur du haut du ciel. «Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste !» Cet agneau que vous cherchez désespérément pour l’offrir à Dieu.

Il faut toujours interpréter la parole qui vient du haut de la montagne, du haut du ciel. Du haut du mystère caché aux yeux du monde. Il nous faut d’un interprète sûre de la volonté de Dieu. Ce n’est pas un prêtre, un exégète, ou un philosophe qui va nous dire le sens de notre écoute religieuse et le sens de tout ce que nous entendons au cours de notre vie.

Regardons ce qui se passe entre les disciples sur la route, quand ils descendent de la montagne sacrée : «Ils se demandaient entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts». La parole grecque synzetuntes signifie littéralement une dispute, et même une dispute violente. Qu’est-ce que signifie ressusciter d’entre les morts? Est-ce que cela veut dire devenir un zombie ? Prolonger notre vie dans un monde un peu transformé ? Reprendre nos soucis à nouveau frais ? Et qui va le faire et comment ? Non. La question n’est pas : c’est quoi la résurrection d’entre les morts ni comment, et la réponse ne se trouve pas dans une dispute entre nous. Il ne s’agit pas d’essayer de comprendre ce qu’est la résurrection des morts, mais de pouvoir tout comprendre dans la lumière de la résurrection du Fils de l’Homme. De cette unique résurrection qui remplit de sens tous les autres, même celle de Lazar ou celle du fils de la veuve de Naïn.

La création du monde, cette naissance des choses à partir du néant, resterait sans issue, si le Christ ne serait pas aujourd’hui vivant auprès du Père. L’offrande d’Abraham, la solitude de Joseph, la sortie de l’Égypte, la construction du Temple, les lamentations des exilés, la naissance même de Jésus et son enseignement, baignent aujourd’hui dans la lumière de l’amour de Dieu manifesté dans la vie éternelle du Christ qui a prit sur lui tout l’absurde de l’éloignement fatale de la vie de sa source qu’est l’amour du Père. C’est la résurrection de Jésus d’entre les morts qui en elle-même constitue la réponse, ou plutôt qui interprète tous les mystères de la vie de Jésus lui-même, de ses disciples, de notre vie et de la vie de Dieu.

«Jésus leur ordonna donc de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.» Chers frères et sœurs, nous sommes sur un chemin du Carême, semblable au chemin des disciples qui vont avec le Christ vers Jérusalem, et Jésus nous dit : si vous voulez comprendre ce qui vous est arrivé sur la montagne, si vous voulez comprendre les Écritures et parler aux autres de leur sens, si vous voulez comprendre le sens de votre vie, attendez que le Fils de l’homme ne soit passé par la Croix et la mort : avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Il est l’Interprète suprême de la voix de Dieu qui se fait entendre dans le silence de l’abîme de la mort.

Quand Dieu parle, lui-même attend ce moment de l’offrande, pour libérer, pour donner le sens, pour s’expliquer lui-même : JE SUIS L’AMOUR. Je n’ai pas épargné mon propre Fils, mais je l’ai livré pour vous tous : comment pourrais-je avec lui, ne pas vous donner tout ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à ma droite, il intercède pour vous. Il INTERPRÈTE pour nous la voix jusqu’alors incompréhensible de notre existence qui nous est venue du Ciel.