Il y a seulement un mois, chers frères et sœurs, que le Saint-Père, notre pape François, a publié son quatrième encyclique qui s’appelle DILEXIT NOS – Il nous a aimés – sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus Christ. Puisque je la lis depuis plusieurs semaines, je me suis dit que je vais m’appuyer sur cette encyclique pour préparer l’homélie pour ce dimanche, pour la solennité du Christ Roi de l’Univers. Je suis allé sur le site internet du Vatican, j’ai ouvert la page avec l’encyclique et pour commencer je me suis dit que je vais tout simplement chercher les occurrences du mot «roi» dans le texte. À ma surprise le mot qui apparaissait n’était pas le mot avec trois lettres : «roi» mais un mot avec 5 lettres : Croix. C – roi – x.
L’évangile de ce jour nous montre effectivement la royauté du Christ dans la perspective pascale. Celle de la crucifixion et de la résurrection de Jésus. C’est sur la croix que notre roi a ouvert son Cœur et a révélé la royauté divine, la royauté de la miséricorde de Dieu. C’est sur la croix que Pilate a fait placer un écriteau qui, presque comme une prophétie, ou comme un premier credo, proclame que Jésus de Nazareth est le Roi des Juifs. Roi de ceux qui confessent le Créateur de toutes choses, qui confessent Dieu comme leur Père, libérateur de la servitude, Roi le consolateur des affligés.
Jésus répond aujourd’hui dans l’Évangile à Pilate : ma royauté n’est pas comme celle des rois du monde. Elle ne se réalise pas aux dépens des autres, contre les autres – même ceux qui l’ont transpercés – mais sa royauté est une libération du mal intérieur qui est en chacun par le sacrifice qui réconcilie le genre humain avec Dieu, par l’amour.
Dieu dont Jésus se réclame, la vérité absolue, est un Dieu qui ne se contente pas de tolérer le pécheur mais qui en fait l’objet de sa sollicitude spéciale, à l’étonnement et au scandale des justes. Le Règne du Seigneur et du Dieu Saint se confond avec le plein exercice de la miséricorde du Père. (P. Jacques Schlosser)
Alors le Pape écrit : Dans le Cœur transpercé du Christ se concentrent, inscrites dans la chair, toutes les expressions d’amour des Écritures. Il ne s’agit pas d’un amour simplement déclaré, mais son côté ouvert est source de vie pour celui qui est aimé, il est cette fontaine qui étanche la soif de son peuple… Dès le début, l’Église a porté son regard vers le Cœur du Christ transpercé sur la croix.
Ce n’est pas Pilate, chers frères et sœurs, qui a pu comprendre la réponse de Jésus par rapport à sa royauté, mais justement un autre condamné, celui que nous nommons le Bon Larron : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume lui dit-il. C’est ce bandit qui a su le premier puiser dans les profondeurs insondables de la bonté de Dieu. Par sa confiance dans la miséricorde de ce roi, il a gagné le royaume promis dans la première Béatitudes : Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. En effet, à celui qui se repent, le Seigneur donne le Paradis et le Royaume éternel, et il se donne lui-même. Dans sa grande miséricorde, il ne se souviendra pas de nos péchés, comme il ne s’est pas souvenu de ceux du Larron crucifié à côté de lui.
Ce qui nous surprend toujours, et ce qui est en effet le plus grand miracle évangélique, c’est la douceur et l’humilité de notre Roi. Jésus est ce Seigneur miséricordieux confessé par le staretz Sylvain du Mont Athose. Il dit : Mon âme le sait, mais il n’est pas possible de décrire cela avec des mots… Il est infiniment doux et humble et si l’âme le voit, elle se transforme en lui, devient tout amour pour le prochain, elle devient elle-même douce et humble. Ô humilité du Christ ! Tu donnes une joie indescriptible à l’âme ! J’ai soif de toi parce qu’en toi l’âme oublie la terre et tend toujours plus ardemment vers Dieu. Si le monde comprenait la puissance des paroles du Christ : » Apprenez de moi la douceur et l’humilité « , il mettrait de côté toute autre science pour acquérir cette connaissance royale.
Mais nous pouvons nous poser une question : est-ce qu’il s’agit de l’amour humain seulement, humain et divin de Jésus, qui veut se manifester dans l’Évangile ? J’aimerais attirer votre attention sur le fait, que ce n’est pas seulement Jésus que nous appelons notre Roi. Ou plutôt que Lui, le Christ, nous révèle que c’est la Trinité, Dieu unique en trois personnes, qui est ce Cœur royal souverainement aimant.
Nous avons chanté au début de la messe ceci : Nous te louons, nous te bénissons, nous t’adorons, nous te glorifions, nous te rendons grâce, pour ton immense gloire, Seigneur Dieu, Roi du ciel, Dieu le Père tout-puissant. Voilà Dieu le Père est bien la source, Roi du ciel, Roi, lui le premier, dans la gloire dont le vrai nom, cette vérité dont Jésus témoigne, est l’Amour. Dieu est Amour. Le Père, le Fils et le Saint Esprit. Et quand nous prions le Notre Père, nous demandons aussi que son Règne vienne ! Le règne du Père. Cela veut dire aussi bien que son Fils revint dans sa gloire parmi nous, que son royaume advient en nous maintenant par l’action de l’Esprit Saint. Le règne de Dieu qui est en nous, alors que nous progressons toujours, parviendra à sa perfection lorsque la parole de l’Apôtre s’accomplira : le Christ, après avoir soumis ses ennemis, remettra son pouvoir royal à Dieu le Père afin que Dieu soit tout en tous. (Origène)
Par ailleurs rappelons-nous notre habitude de chanter au milieu du jour cet hymne à l’Esprit Saint : Roi du Ciel, Consolateur, Esprit de Vérité, toi qui es partout présent, toi qui remplis tout, trésor des grâces et donateur de vie, viens, fais ta demeure en nous, purifie-nous de toute souillure, et sauve nos âmes, toi qui es bonté. Oui ce Roi du Ciel est aussi l’Esprit Saint, le Consolateur de nos âmes, troisième personne de la Trinité. Il nous apprend comment comprendre l’Évangile, comment être consolés et comment devenir les enfants du Roi, participant à la dignité de Jésus, le serviteur de l’amour de Dieu. À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté… L’Esprit Saint peut régner dans les cœurs, et faire grandir en nous la certitude d’être vraiment aimés par Dieu.
Si tous les hommes se repentaient et gardaient les commandements divins, disait encore Saint Silouan, alors le Paradis serait sur terre, car le » Royaume Dieu est au-dedans de nous « . Le Royaume de Dieu, c’est le Saint-Esprit, et le Saint-Esprit est le même au Ciel et sur la terre.
Jésus devait préciser devant Pilat que sa royauté n’est pas de ce monde : Si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Il faut donc prendre distance avec l’image du roi qui promeut, ordonne ou utilise la force. Remets ton épée dans le fourreau; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. Ni le Fils, ni le Père, ni même l’Esprit que nous appelons une force, la force de l’Esprit, force de l’amour, ne force pas l’amour à la violence, mais nous enseigne toujours de déposer nos armes, de nous rendre. Thérèse de Lisieux, écrit le Pape, est marquée par cette acceptation d’elle-même, de son impuissance radicale, de ses imperfections, de sa faiblesse, de sa petitesse, mais sans jamais désespérer de Dieu. Thérèse s’en remet à lui dans une totale et absolue confiance : Nous voudrions souffrir généreusement, grandement… Nous voudrions ne jamais tomber. Quelle illusion ! Qu’importe mon Jésus si je tombe à chaque instant, je vois par là ma faiblesse et c’est pour moi un grand gain. Vous voyez par là ce que je puis faire et maintenant vous serez plus tenté de me porter entre vos bras. Si vous ne le faites pas, c’est que cela vous plaît de me voir par terre. Alors je ne vais pas m’inquiéter ; mais toujours je tendrai vers vous des bras suppliants et pleins d’amour. Je ne puis croire que vous m’abandonniez… Si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent.
Plus on est faible, sans désirs, ni vertus, plus on est propre aux opérations de cet Amour consumant et transformant, plus on goûte à son Royaume […] C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour.
Revenons chers frères et sœurs au Golgotha où notre Roi ouvre devant nous son Cœur. Il l’ouvre devant l’Univers entier, il peut y contenir l’Univers entier. Voilà sa royauté. En nous abreuvant de cet amour, dit encore le Pape, nous devenons capables de tisser des liens fraternels, de reconnaître la dignité de tout être humain et de prendre soin ensemble de notre maison commune.
Aujourd’hui, tout s’achète et se paie, et il semble que le sens même de la dignité dépende de ce que l’on peut obtenir par le pouvoir de l’argent. Nous sommes pressés d’accumuler, de consommer et de nous distraire, prisonniers d’un système dégradant qui ne nous permet pas de voir au-delà de nos besoins immédiats et mesquins. L’amour du Christ est en dehors de cet engrenage pervers et Lui seul peut nous libérer de cette fièvre où il n’y a plus de place pour un amour gratuit. Il est en mesure de donner du cœur à cette terre et de réinventer l’amour, là où nous pensons que la capacité d’aimer est définitivement morte.
Tournons nous alors vers notre Seigneur, Roi de l’Univers, demandons-lui de nous abreuver à la source de son grand amour, recevons la paix de son cœur confiant et humble.