«Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu» (Mc 1,1). Tout débute par un commencement, par du neuf qui advient, par de l’imprévu qui se dévoile. L’Évangéliste Saint Marc ne donne pas de généalogie pour relier la personne de Jésus à une histoire, à une lignée, à un peuple, à une origine. Son intention est autre. Celui qui ouvre son Évangile doit découvrir que le commencement dont il parle n’est pas un fait appartenant à un passé révolu mais un évènement qui est en train de se réaliser maintenant dans la vie du lecteur ou de l’auditeur. L’Évangile de Jésus n’est pas une lettre morte qui se transmet de génération en génération. L’Évangile de Jésus, c’est ce que Dieu écrit maintenant dans notre vie quand nous méditons sur les récits historiques de la vie de Jésus.
«Commencement de l’Évangile de Jésus», avons-nous entendu. Marc parle donc de nous, de ce commencement intérieur qui nous met en route chaque matin, qui ouvre une voie dans le désert de nos vies, qui éveille notre espérance endormie, qui attise la charité envers nos frères. Commencement qui est un acte de recréation, commencement qui est ouverture à un autrement. Le commencement de l’Évangile de Jésus est projection vers un devenir, vers une vie que l’on appelle éternité. Comment commencer si on doute qu’il y a un point d’arrivée ? Le commencement est par nature lié au terme que l’Apôtre Pierre décrit comme «un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice» (2 P 3,13). Commencement et accomplissement ne font qu’un.
«Commencement de l’Évangile de Jésus» Ce commencement nous déplace. Un appel à un nouvel exode résonne. Comme toute la Judée, comme tous les habitants de Jérusalem, il faut partir, se délester en chemin du poids de nos fautes, se laisser interpeler par une voix qui crie : «Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.» Ce commencement nous déroute peut-être. Nous désirions voir Jésus puisque c’est bien de son Évangile dont il s’agit, et c’est Jean «vêtu de poils de chameau» qui paraît. Nous voulions voir le Christ et Jean dit : «Je ne suis pas le Messie». Nous étions en quête d’une parole qui est puissance de vie éternelle et nous n’avons qu’une voix qui résonne. Même le baptême proposé par Jean n’est que de l’eau qui lave les fautes car le baptême dans le feu de l’Esprit n’est pas encore advenu. Quel commencement ! L’Évangéliste s’est-il moqué de nous ?
«Commencement de l’Évangile de Jésus» avons-nous entendu … mais où est-il donc ce Jésus ? Tout commence sans Lui. La fête de la rencontre va-t-elle tournée court ? Le vin des noces va-t-il manquer ? La joie de l’ami de l’Époux va-t-elle s’éteindre ? Comment comprendre ce commencement qui ressemble tant à un faux départ ? C’est qu’il n’y a pas de commencement d’Évangile sans conversion, sans prendre le risque d’ignorer ce qui commence et de quoi demain sera fait. Le Christ, nul ne peut le saisir. Il est toujours à chercher. Il y en aura toujours pour nous dire : «Il est ici» ou «il est là», mais ne les croyons pas. Nous sommes toujours en deçà de la venue du Christ, d’une nouvelle venue du Christ dans nos vies. Nous nous trompons si nous considérons que le passage de l’ancien au nouveau, de l’eau à l’Esprit, appartient au passé. Nous sommes solidaires de cette humanité qui nous a précédés dans le désert, humanité blessée, parfois incrédule, mais travaillée et rejointe par Dieu. À frais nouveaux, il nous faut reprendre le chemin de l’exode, la route du désert. L’Évangile de Jésus ne peut commencer dans notre vie sans cette prise de risque, sans un sursaut salutaire qui nous tire de nos ténèbres, de notre suffisance. Le récit de ce jour évoque le travail qui nous attend. C’est un travail d’enfantement. Il s’agit de faire advenir une parole qui nous sauve. Au désert, Jean-Baptiste l’a expérimenté, la parole se perd. Il a beau ouvrir les lèvres, ce qu’il donne à entendre n’est qu’un cri. Jean-Baptiste réussit pourtant à se faire entendre. Le cri devient proclamation et les discours qu’il prononce déplacent les foules. Le désert se transforme, il devient lieu où on se rassemble : «Toute la Judée, tout Jérusalem venait à lui» et ils se convertissaient. Qu’est-ce que se convertir ? Ce n’est pas tellement se conformer à un modèle moral dont on se serait écarté. Se convertir, c’est commencer, introduire de la nouveauté dans l’existence, trouver les mots qui nous sortent des discours tout faits, qui transforment l’indifférence en amour. Se convertir, c’est changer la vie. Se convertir, c’est commencer. (cf. Michel Jondot, www.dieumaintenant.com)
«Commencement de l’Évangile de Jésus» L’absent n’est pas loin. L’invisible se devine à nos regards. «Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi», clame Jean-Baptiste. Le voici qui vient ! Il est le plus fort, plus fort que nos tentations, plus fort que nos péchés, plus fort que la mort. Sur la croix, il pourra dire «tout est achevé», ce qui a commencé au désert par un cri s’accomplira dans la solitude et le silence de la mort avec, comme en écho, un autre cri : «J’ai soif.» Il n’y a pas de commencement sans mort, sans remise totale de soi entre les mains de Dieu : «Père, entre tes mains, je remets mon esprit».
«Commencement de l’Évangile de Jésus» Le véritable commencement est toujours à venir, il est par delà la mort, par delà la fin ultime, par delà les espoirs épuisés. La pierre du tombeau a été roulée au matin de Pâques. La vie impérissable a jailli, l’Évangile est annoncé aux nations. Aujourd’hui, c’est en chacun de nous qu’il vient déployer sa force, sa joie, sa vie. Nous devenons, si nous y consentons, un évangile vivant. Disciple de Jésus, nous confessons qu’il est Christ et Fils de Dieu. Il est la lumière de nos vies. Avec la force de la foi, nous pouvons dire alors chaque matin : Aujourd’hui, je commence … Et le Bien-Aimé, l’Époux, le Désiré des nations, l’Emmanuel se plait à venir à notre rencontre. Marana tha, viens Seigneur Jésus !
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