Si je compte bien, nous en sommes à 68. Oui 68, c’est le nombre de jours qu’il nous reste avant le début de Jeux Olympiques. Les médias ne cessent d’en parler. Et sûrement avez-vous entendu parler de l’arrivée de la flamme olympique à Marseille et de tout le dispositif de sécurité pour la protéger. Mais pourtant cet événement n’est rien à côté de ce qui nous est donné aujourd’hui… Pour l’Eglise, un autre compte à rebours fut donné à Pâques, il était de 50 jours, et maintenant c’est J-0. Pour l’Eglise, pas besoin de tout ce dispositif de sécurité, pas besoin de flamme de réserve : Dieu envoie son Esprit en abondance pour allumer un feu qui ne s’éteint pas, pour allumer une flamme qui brûle, qui réjouit, qui apaise, mais de l’intérieur. C’est aujourd’hui le jour où l’Eglise est renouvelée dans son ardeur envers Dieu par la puissance de l’Esprit Saint ! C’est le jour où s’accomplit ce désir de Jésus : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il soit allumé ».
Pentecôte, c’est bien le don de l’Esprit saint à l’Eglise en vue de toucher le monde, jour qui peut se résumer ainsi : don de Dieu, don de feu. L’Ecriture le dit bien : Dieu se donne tel un « feu dévorant » (Dt 4, 24 ; He 12, 29). Rappelons-nous : déjà au Sinaï, lorsque Dieu communiquait aux hébreux la Loi de vie, la Torah, soit la Pentecôte juive, le livre de l’Exode nous dit que « la montagne sainte était toute fumante parce que le Seigneur y était descendu sous forme de feu » (Ex 19, 18). Aussi convenait-il que, dans l’alliance nouvelle, le don de l’Esprit, qui est comme notre loi intérieure, prenne la forme d’un baptême de feu. Non pas le feu qui détruit, non pas le feu qui calcine les impies, mais le feu qui réchauffe, qui apaise et illumine, ce feu que Jésus est venu jeter sur la terre (cf. Lc 12, 49).
Or j’aimerais attirer votre attention sur le fait que le feu a quatre propriétés très évocatrices. La première est d’unir en lui les êtres qu’il pénètre et embrase dans la mesure où il les rend semblables à lui. Bois de chêne, bois de pin, bois de hêtre, se fondent dans un unique brasier et deviennent comme un seul feu. De même, ceux que touche l’Esprit ne font plus qu’un dans l’Église. Et de fait, les Actes des Apôtres nous rapportent qu’après la Pentecôte « la multitude des croyants n’avait plus qu’un seul cœur et qu’une seule âme » (Ac 4, 32). La communion des saints, c’est-à-dire l’union des croyants dans l’Église, devient ainsi l’image, le signe visible, le sacrement de la communion entre les 3 personnes divines. De même que dans la Trinité, il y a moi, il y a toi, il y a lui, mais il n’y a pas le mien, le tien, le sien, de même dans l’Église, toujours selon les Actes, « nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun » (ibid.).
La seconde propriété du feu est de chauffer, de réchauffer. L’Esprit Saint vomit la tiédeur. Et c’est lui seul qui a la puissance de nous sortir de la tiédeur. Sans une nouvelle et décisive intervention de l’Esprit Saint, c’est impossible. Avant la Pentecôte les disciples étaient incapables de veiller une heure. Ce sont les langues de feu reçues au cénacle qui les transforment. Si bien qu’ils se mettent à louer le Seigneur, à se comprendre chacun dans leur langue et deviennent prêts à donner leur vie pour le Christ.
Le feu est encore lumière… Dans l’évangile, Jésus nous dit que l’Esprit nous conduira dans la vérité toute entière. L’Esprit est lumière parce qu’il ne conduit pas à lui-même. Il nous montre Jésus, le Chemin, la Vérité, la Vie. Non une Vérité qui écrase ou qui s’impose, mais une Vérité qui libère en nous la vie, l’amour et l’espérance. La Vérité apportée par Jésus et révélée par la Vie qu’il nous a donnée projette sur notre existence une lumière efficace, profonde, libératrice. Une lumière qui apaise dans la foi, qui conforte dans l’espérance, qui fortifie dans l’amour.
La quatrième propriété du feu est de communiquer aux êtres qu’il embrase et transforme le pouvoir et le désir d’embraser à leur tour. Le feu de l’Esprit fait de chaque chrétien un être de feu, un apôtre qui ne peut pas ne pas transmettre ce qu’il a lui-même reçu. Qui a goûté à la sobre ivresse de l’Esprit, qui est devenu familier du mystère d’un Dieu qui est communion communicative, ne peut pas ne pas inviter ses frères à la fête.
En somme, l’Esprit est Amour : Dieu aurait pu créer un univers statique, immobile, où chaque chose reste sans contact avec les autres. Eh bien non : il y a une espèce de loi d’attraction universelle, qui régit les mouvements des planètes, qui ordonne les rapports des êtres vivants entre eux, qui fait de l’amitié et de l’amour l’essentiel de la vie des hommes.
Où sont amour et charité, nous pouvons être sûrs que l’Esprit est présent, agissant. Car, à ma connaissance, il n’y a que l’amour qui soit capable de nous distraire un instant du souci de nous-mêmes pour nous rendre attentifs à la réalité et à la présence des autres. On raconte que l’extravagant baron de Münchhausen voulait s’extraire des sables mouvants en se tirant lui-même par les cheveux. On en rit. Mais faisons-nous autre chose lorsque nous pensons échapper par nos propres forces à la terrible pesanteur de l’égoïsme, à cette fâcheuse tendance de tout tirer vers soi comme disait Kant. Seule une force infinie, une force venant d’en haut, peut contrarier ce mouvement puissant qui nous recourbe et nous replie et nous referme sur nous-mêmes. Seul un bien total peut captiver notre esprit et notre cœur et finalement nous détourner de la fascination mortelle du « moi ». Seule, en définitive, la grâce de l’Esprit saint, l’irrésistible attrait qu’exerce un Dieu infiniment bon et infiniment aimable peut nous arracher à nous-mêmes pour nous placer dans l’orbite du Christ.
Chers frères et sœurs, le propre de l’Esprit est de « répandre l’amour de Dieu dans les cœurs » (Rm 5, 5) Il est le principe unificateur, il est celui qui réchauffe de l’intérieur, il est celui qui confère cette lumière intérieure pour guider du dedans nos actions, il est communion et communication de cette communion : il est don de Dieu, don de feu. Il est amour. Contrairement à la flamme olympique qui s’éteindra au terme des JO, choisissons de vivre de la flamme de l’Esprit saint, c’est la seule qui est éternelle. Comme dit saint Paul : « Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. » (Ga 5, 25)
(cf. homélies de Serge Bonino, https://toulouse.dominicains.com/archive-des-homelies/)
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