Homélie fr benedikt (cliquer pour écouter)
Jésus, le charpentier de Nazareth, s’était invité dans la barque de Pierre, pour en faire son collaborateur, son compagnon,. Non plus dans la barque de Pierre (qui est restée sur le rivage de la Mer de Tibériade), mais dans sa barque. Où se trouve-t-elle? Où sont les appelés, où les collaborateurs et les compagnons de Jésus aujourd’hui? Nous en sommes, chers frères et sœurs. Faisons mémoire de notre baptême, il a fait de nous des pêcheurs d’hommes, les pêcheurs d’espérance.
Observons un instant, chers frères et sœurs, ces filets, étendus sur le rivage du lac de Génésareth. Les pêcheurs ont peiné toute la nuit. Deux barques accostées, ils en étaient descendus et maintenant, tout en écoutant Jésus, ils lavent leurs filets. Ces filets là, en partie peut-être même secs et pliés, sont un signe incontestable de la fin d’un travail nocturne. La matinée est bien avancée. Même vers 9h00 le soleil peut déjà plomber en Terre Sainte. Quel pêcheur aurait donc commis cette folie, de ramasser de nouveau les filles secs, avancer au large et les jeter à l’eau pour une pêche insensée! Non, ce n’est pas possible: Quand un pêcheur s’assoit sur le rivage et commence à nettoyer les filles, il n’y a pas de doute: c’est fini. Que la pêche soit bonne ou non, on passe à une autre chose, on ne revient pas sur l’affaire. Les filets étalés sur le sable sont un signe de la fin d’une étape, d’un cycle, d’un éon même. On ne repousse pas le temps, on ne revient pas sur le passé. La vie c’est comme ça et la nuit de l’échec fait bien partie de la vie. Demain fait aussi le jour, alors peut-être…
Bien sûr que peut-être. Car qui sait, qu’il y aura un lendemain… En effet, chers frères et sœurs, le nettoyage des filets, cette rupture avec le passé et cette préparation du lendemain meilleur, est aussi une image de la fin du temps tout simplement! Souvenons-nous! Il y a des paraboles dans la Bible, où Jésus compare le Jugement dernier à un nettoyage des filets:
Le royaume des Cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes.
On peut dire dès lors, que la vocation de Pierre, la vocation de l’Église tout entière, se situe dans ce moment mystérieux, où le temps touche à sa fin, ce moment où notre temps est pesé et jugé, et où Jésus devient son nouveau centre et un vrai avenir.
Il y a dans la Bible un seul moment où le temps a reculé. C’est quand Ézéchias, roi de Juda, tomba malade. Il disait : “Au milieu de mes jours, je m’en vais ; j’ai ma place entre les morts pour la fin de mes années… Ma demeure m’est enlevée, arrachée, comme une tente de berger. Tel un tisserand, j’ai dévidé ma vie : le fil est tranché.”
À ce moment Dieu lui répond: “J’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes. Je vais ajouter quinze années à ta vie. Et voici le signe que le Seigneur te donne pour montrer qu’il accomplira sa promesse : Je vais faire reculer de dix degrés l’ombre qui est déjà descendue sur le cadran solaire. » Et le soleil remonta sur le cadran les dix degrés qu’il avait déjà descendus.”
Jésus, chers frères et sœurs, propose à Pierre ce même miracle de remonter le temps. Pas tout seul, mais avec Jésus dans la barque. en plein jour, pour une nouvelle pêche de l’espérance. Une pêche de la vie nouvelle, non pour seulement 15 ans de plus, mais pour l’éternité.
Au cœur de la vocation de Pierre de devenir un pêcheur d’hommes se trouve alors un appelle à la vie d’espérance: Jésus tu es mon avenir! « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Sois sans crainte, lui dit Jésus. Non pas parce que prendre des hommes serait plus facile que prendre les poissons, mais: sois sans crainte, parce que ta vie et la vie des tiens, le passé, le présent et l’avenir, n’est plus un cycle banal de peines insensées.
Regardons bien: une double humiliation de Pierre est en jeu. En effet, en tant que pêcheur et en tant qu’un pécheur. En tant que l’homme pratique, l’homme de travail et en tant que l’homme tout simplement. Dans le faire et dans l’être. Si nous considérons bien notre existence humaine à la lumière de notre finitude et à la lumière de l’insondable amour de Dieu, plus de place pour l’orgueil. En ce monde tout notre travail est un travail nocturne. Dans la nuit. Propice certes, pour prendre les poissons, mais pas faite pour prendre les hommes. Alors, afin de travailler pour le Royaume de Dieu, nous devons accueillir le soleil de justice dans notre vie. Pour servir l’Évangile il faut se comporter comme en plein jour. À découvert. Point de l’orgueil… de me dire “moi, appelée par Jésus je suis meilleur que les autres”. Non, je suis un pécheur. Une élection de Jésus est une élection qui conduit vers l’humilité et non vers l’orgueil. L’appelle adressé à Isaïe que nous avons entendu dans la première lecture, l’appelle adressé à Paul dans la deuxième, et à Pierre, tous se disent indignes et ils le pensent aussi vraiment. “Je suis pécheur, je me sens pécheur, je suis sûr de l’être; Je suis un pécheur dans lequel le Seigneur a regardé avec miséricorde.” Je suis un homme pardonné. Par-delà du bien et du mal, par-delà de mes faiblesses, de mes échecs et de mes succès, aucune nuit de ma vie ne sera désormais stérile. Jésus, tu es mon avenir.
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Illustration : Laurie Georges