Chers frères et sœurs, chers pèlerins, chers visiteurs, comme je sais que de nombreux scouts aiment monter dans cette si belle basilique pour y prier, si je vous dis : « Scouts toujours ? », vous me dîtes ?… [attendre la réponse : prêts] Effectivement. Je vois qu’il y en a qui suivent et qui ne dorment pas encore…
D’accord, mais avez-vous déjà réfléchi plus avant en vous demandant : prêts à quoi ? Quand je lis la prière scoute, je comprends : prêt à servir Dieu, à aider autrui, à être généreux, à donner sans compter, etc. En somme, cela peut se résumer en une certaine attention constante envers Dieu et son prochain. Ce qui rejoint bien ce que Jésus disait à ses disciples dans l’Evangile : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins »… Mais il ajoute : « et vos lampes allumées. » Et Jésus de poursuivre : « Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. » Qu’est-ce à dire ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître, aujourd’hui, tandis que nous sommes pour un bon nombre en vacances, au repos, non seulement la liturgie nous donne des textes longs et assez ardus qui inclinent aux distractions, mais plus encore, Jésus nous demande de nous tenir en éveil, d’être prêt : prêt pour quelque chose de gratuit, quelque chose que nous évacuons même sûrement souvent dans notre quotidien. Oui, Jésus nous demande d’être prêts pour son retour. Autrement dit, pour une rencontre, pour cette rencontre capitale entre toutes, qui sera sûrement surprenante, celle de notre rencontre avec Jésus. Jésus veut que ses serviteurs soient toujours prêts quand il reviendra. Jésus ne veut pas que nous passions à côté de l’essentiel !
Comment veiller cet essentiel ? En ayant la foi, une foi ancrée dans l’espérance. Tel est le message de nos différentes lectures.
Ne pas veiller cet essentiel revient à croire que notre vie se limite à celle de la terre et peut-être même à passer à côté de notre vie. Si nous n’avons pas d’autre perspective que cette vie, c’est terrible. Alors on amasse, on fait des réserves, on dépense pour exister. L’argent – et tout ce qu’il permet – agit en effet dans le monde comme un formidable anxiolytique. Devenir euro-millionnaire, c’est le sommet du bonheur. C’est ce qu’on dit, c’est ce qu’on croit. Mais Jésus vient nous dire autre chose et nous apporter une autre foi. Abraham et Sara, Isaac et Jacob sont morts dans cette foi qu’ils ont entrevue. « Ils sont tous morts sans avoir connu la réalisation des promesses ; mais ils l’avaient vu et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. » (He 11, 13) C’est ainsi qu’ils ont traversé les nombreuses épreuves survenues dans leur vie (Sg 18,7) ! (cf. fr. Augustin Laffay, op)
Qu’est-ce alors qu’avoir la foi ? De fait, si je vous demandais : qu’est-ce que la foi ? Certains diraient probablement : croire que Dieu existe, avoir des convictions, tenir pour vrai des énoncés du catéchisme, avoir confiance en Dieu, etc. Mais l’auteur de la lettre aux Hébreux nous donne une autre définition de la foi, qui reconnaissons-le, est assez peu connue. Dans la 2e lecture, nous entendions : « la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. » (He 11,1) On s’aperçoit alors que foi et espérance sont liées, interdépendantes. Une traduction un peu plus lâche dirait : « la foi consiste à être ferme en ce que l’on espère, à être convaincu de ce que l’on ne voit pas. » […] Cependant, il faut aller plus loin parce que le terme grec utilisé (elenchos) n’a pas la valeur subjective de « conviction », mais la valeur objective de « preuve ». Dans son encyclique Spe Salvi, Benoît XVI préférait traduire ainsi : « la foi est la « substance » des réalités à espérer ; la preuve des réalités qu’on ne voit pas. » En ce sens, affirme-t-il, « la foi n’est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir, [mais un don, la foi] nous donne [ici et maintenant] quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue, et la réalité présente constitue pour nous une « preuve » des biens que nous ne voyons pas encore. [La foi] attire l’avenir dans le présent, au point que le premier n’est plus le pur « pas-encore ». Le fait que cet avenir existe change le présent ; le présent est touché par la réalité future : [par le retour du Christ,] et ainsi les biens à venir se déversent sur les biens présents et les biens présents sur les biens à venir. » (Spe Salvi, § 7)
Cela ne veut pas dire que la vie terrestre devient un paradis, non. De nombreux problèmes monumentaux continuent de surgir de toutes parts : chômage, fracture sociale, pollution croissante de notre atmosphère, guerre économique, recul de libertés essentielles, raréfaction de l’eau potable, etc. Mais la prolifération de tous ces problèmes ne veut pas dire que le destin de l’homme est voué à la destruction, à l’oubli, à l’inutile.
Qu’est-ce qui change alors ? Par la mort et la résurrection du Christ, Dieu s’est donné à nous une fois pour toute. « Dans le Christ, Dieu s’est manifesté. Il nous a communiqué désormais la « substance » des biens à venir, et l’attente de Dieu obtient ainsi une nouvelle certitude. » Ce que l’homme ne pouvait se donner à lui-même, Dieu nous l’a donné en Jésus. Dieu nous a donné la preuve de son amour, un amour qui a la puissance de faire émerger du neuf, qui a la puissance d’apporter la vie, qui a la puissance de convertir ce qui a goût de mort en plénitude de vie. En présence du Christ, avec le Christ présent, nous avons la certitude que toute l’humanité est orientée vers une communion. Aussi, réjouissons-nous car le retour du Christ, l’image du Jugement final ne peut pas être une image terrifiante, elle ne peut être qu’une image d’espérance : « pour nous peut-être même l’image décisive de l’espérance. » (Benoît XVI)
À l’instar du chapiteau qui se trouve bien haut à l’entrée de la nef de cette basilique, le chapiteau dit « du Pape » car le Pape François s’y réfère régulièrement, ce chapiteau entend souligner la bonté du bon pasteur, et plus encore la mansuétude de Jésus, oui, car Jésus reviendra tout resaissir dans sa miséricorde. Aussi il nous faut être prêt. Il nous faut rester en éveil. Que nous soyons scouts ou pas. « Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. »
Et nous pouvons être sûrs que le regard du Christ, le battement de son cœur nous guérira. Cette transformation, n’ayons pas peur des mots, sera sans doute douloureuse. Cependant, ce sera une heureuse souffrance, dans laquelle son amour nous pénètrera comme une flamme, nous purifiant de tout péché et nous permettant à la fin d’être totalement nous-mêmes et par là totalement de Dieu. (cf Spe Salvi)
Telle est notre espérance, telle est notre foi. Grâce à la foi, nous avons la certitude de biens à venir, la preuve des réalités qu’on ne voit pas. Puissions-nous tous aspirer comme nos devanciers dans la foi, à une patrie meilleure, à celle que le Père a préparé pour nous !
© FMJ – Tous droits réservés