Aujourd’hui, nous prions pour nos défunts, ces chers disparus, parents, proches ou amis qui restent si présents à notre esprit mais que nous ne pouvons plus voir. Un jour, ils nous ont quittés. Que ce soit après une longue maladie ou de vieillesse ou subitement, leur mort a laissé un grand vide, une absence, une blessure irréparable.
Peut-être avons-nous pu les accompagner avant le grand passage ? Etre là pour réconforter, pour aimer, pour prier, pour faire silence. Y n’empêche qu’à un moment, ils sont partis seuls dans la mort. A ce moment-là, nous n’avons pas pu les accompagner. Ils sont partis sur l’autre rive et nous, nous sommes restés là, impuissants, incapables de les suivre. Pour les accompagner jusque dans leur mort, il aurait fallu quitter la vie et mourir avec eux. Et encore ! Il aurait fallu mourir de leur mort. Dans un sens, chacun meurt seul (cf. François-Xavier Durwell, «Le Christ, l’homme et la mort», p12-13). Peut-être est-ce cela qui rend la mort si inhumaine ? se retrouver face à notre incapacité de continuer notre chemin avec l’autre qui s’en va, voir se dresser devant nous un obstacle infranchissable.
Or voilà que ce qui n’a pas pu se vivre à ce moment-là peut se vivre à chaque eucharistie. Oui, l’eucharistie humanise la mort. Pourquoi ? Parce que lorsqu’un être cher meurt, il ne meurt, en fait, pas seul. Le Christ est mort sur la croix. En mourant, il meurt notre propre mort, disait le Père Durrwell. La mort du Christ contient la mort de tout être humain d’hier, d’aujourd’hui et de demain. La mort de l’être cher que nous pleurons est donc totalement assumée par le Christ dans sa mort personnelle.
Or qu’est-ce que l’Eucharistie ? L’eucharistie est le sacrement de la pâque du Christ, de sa mort et de sa résurrection. En communiant au Corps du Christ, nous communions à sa mort. Et en communiant à sa mort, nous communions à ceux et celles qui sont morts en Lui. L’eucharistie nous donne ainsi de rejoindre spirituellement ceux qui sont déjà passés de ce monde vers le Père. L’eucharistie, en actualisant la mort du Christ, rend présent, par là-même, la mort de ceux qui nous ont quittés. Alors que nous ne pouvions les accompagner dans leur propre mort, l’eucharistie nous permet de leur être présents dans la mort même. Ce qui paraissait irréalisable devient possible dans l’eucharistie. L’eucharistie nous permet de les soutenir dans le franchissement de cette frontière entre le visible et l’invisible. Même aujourd’hui, nous pouvons accompagner ceux qui sont déjà partis, car l’eucharistie actualise la mort du Christ.
Voilà pourquoi l’Eglise mentionne spécialement les défunts au cours de la prière eucharistique. L’eucharistie est ainsi le sacrement des retrouvailles avec les défunts. Nous nous asseyons à la même table, nous dans l’ombre, eux dans la lumière. Nous communions au même mystère. Nous sommes regardés par eux avec amour, tandis que nos regards ne pénètrent pas jusqu’à eux dans la Demeure éternelle. Ils ne sont pas avec nous, là où ils étaient jadis, pourtant ils nous sont présents là où nous sommes. Dans le Christ, nous sommes tous un.
Vivre, c’est bien souvent se quitter. Mourir, paradoxalement, grâce à l’eucharistie, c’est se rejoindre. L’eucharistie peut être le lieu de bien des réconciliations avec ceux qui sont disparus. Les barrières de nos histoires se brisent. Les liens se renouent. Tout ce qui était resté inaccompli peut s’achever dans la mort.
Seigneur, donne-nous de communier dans cette eucharistie à nos frères et sœurs défunts. Viens faire ton œuvre de rédemption. En toi, nous croyons que nos défunts sont bien vivants.
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