La résurrection comme une danse !
Homélie de fr. Grégoire  |
le 31 mars 2024  |
Texte de l'évangile : Jn 20, 1-9
Le texte de l’évangile nous situe au petit jour, juste à la fin du grand sabbat.
C’était encore les ténèbres, dit le texte.

Les ténèbres… Pas seulement parce que les premières lueurs pointent à peine,
mais aussi parce que la Passion et la mort de Jésus laissent sur les cœurs leur voile obscur.
La mort de Jésus sur la croix a été un choc terrible :
les disciples en sont sortis écrasés.
Sa mise au tombeau fait figure de déroute.
Ils croyaient que Dieu interviendrait dans Sa puissance… Et c’est la fin.
Les ténèbres semblent plus profondes encore qu’au tohu-bohu du chaos primitif.

On peut comprendre cela, nous aussi, lorsque la déception ou l’échec éteint notre élan vital.
Des relents de ténèbres ont pu laisser des traces tenaces en nos vies.
Des goûts d’amertume et de mort.

En ce sabbat, Dieu se repose… ou plutôt, il semble définitivement absent.
Le tombeau est clos, et l’espérance s’est disloquée.
Que peut-il renaître d’un tombeau ?

Et pourtant, c’est bien à ce point bas de la mort que jaillit soudain un frémissement de Vie.
Le grain de blé tombé en terre ne devait-il pas mourir pour enfanter une vie toute autre ?
Quelque chose est en train de craquer,
comme la sève du printemps fait éclater les bourgeons.
Un élan de vie nouvelle vient de commencer.

Que ce soit Marie-Madeleine, la première au tombeau, ou encore Pierre et Jean,
personne ne comprend ce qui se passe.
Mais un instinct mystérieux les pousse : tous se mettent à courir.

Et pas n’importe comment : c’est vers le tombeau qu’ils courent,
ils courent rejoindre ce sépulcre d’où rien de ne pouvait recommencer,
ce point final définitivement clos.

Or ce lieu de térèbre est vide.
Ou plutôt pas exactement : il ne reste que les linges pliés ou roulés à leur place.
Tout est là, tout sauf le corps.

A dire vrai, ce vide résonne plus large que le tombeau…
Cette femme et ces deux hommes, réunis autour d’un absent,
donnent déjà forme à une nouvelle présence ;
un corps en creux, pourrait-on dire ; et pourtant une évidence.
Jean ne peut que croire.
Il vit, et il crut, est-il dit.

Il voit Celui qui n’est visible que par la foi. Ou par le cœur.
La présence du Seigneur remplit ce ‘vide’,
le tombeau est plein d’une prégnance et déborde,
comme un rocher fissuré dont la faille devient source.

La liturgie de ce jour nous laisse sur ce manque déroutant et paradoxal.
Par la suite, le Seigneur va bien se manifester en chair et en os à ses plus proches disciples,
à commencer par Marie-Madeleine.
Il va parler, se laisser toucher, manger et boire avec ses amis…

Mais pour nous, en ce matin de Pâques,
c’est bien cet espace béant et gorgé de lumière qui nous crie la vie nouvelle :
le Christ est relevé des morts, il est ressuscité !
Et sa présence remplit tout l’espace, tout le cœur.

De quoi le tombeau vide est-il plein à déborder ?
Il est saturé d’une révélation inouïe qu’il nous faut saisir et nommer.

Jésus, sur la croix, a déposé toute sa vie entre les mains du Père.

C’est ainsi qu’il a accomplit toute chose, qu’il est allé jusqu’au bout de son amour pour nous.

Toute sa vie humaine, il a rencontré, guéri, relevé, pardonné.
Il a restauré le monde pour le transfigurer selon la vie même de Dieu :
l’avènement du Règne de Dieu, déjà, n’était-il pas résurrection ?
Sans cesse, Jésus a pardonné et réconcilié les hommes et le monde avec Dieu.

Pourtant, devant ce don du Seigneur, tous finalement lui ont opposé un refus.
Alors il s’est retiré ;
il s’est retiré non pas en désertant le monde,
mais par un ‘par – don’, c’est-à-dire un don de lui-même plus fort encore que le refus.
Le pardon de Jésus est la remise de sa vie dans les mains du Père, par amour pour nous :
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

La résurrection est la réponse du Père,
la signature du Père à ce pardon du Fils.
Le tombeau vide est la fenêtre ouverte par le Père, vers le ciel,
pour tous ceux qui ont crucifié son Fils. Un pardon plus fort que la mort.

Dans cette absence du corps de Jésus, c’est Dieu le Père qui apparaît au tombeau.
Cette prégnance qu’on évoquait, c’est la gloire de Dieu qui se lève
comme en une aurore de paix.

La paix de Dieu ne s’impose pas : elle reste un appel.
Le tombeau vide est l’appel de Dieu pour un don accompli,
le don de la Vie d’en haut.

Ce don du Père, il nous faut maintenant l’annoncer.
Un peu plus loin, Jésus va dire en effet à Marie-Madeleine :
Ne me retiens pas. Mais va trouver mes frères
pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.

Dieu se révèle en creux, et en débordement d’amour et de pardon.
Ce sont les disciples rassemblés qui vont désormais manifester ce Corps
qui semblait absent.

Ce sont eux que Dieu va donner à voir pour que le monde croie en son Fils.

En ce saint jour de Pâque, le Ressuscité, je le vois en vous,
dès lors que deux ou trois sont réunis au nom du Vivant.

Frères et sœurs,
que la puissance de la Vie nouvelle fasse éclater nos cœurs.
Le monde peut bien s’effondrer sous le poids des ténèbres :
rien ne peut empêcher la puissance de la résurrection de le soulever pour lui donner la Vie.

Alors chantons, dansons, bondissons de joie !
Ou plutôt, comme le dit le prophète Sophonie, c’est le Seigneur lui-même
qui exulte de joie pour nous :
Le Seigneur est au milieu de toi, Il te renouvelle par son amour,
le Seigneur danse pour toi avec des cris de joie,
comme on danse aux jours de fête. (cf. So 3, 17-18)

Vous les membres de son Corps, dansez de joie.
Le Vivant vous prend dans la danse de la résurrection, Alléluia !