Aujourd’hui, Jésus s’adresse aux foules qui font route avec lui.
C’est à dire à tous les disciples qui ont été attirés par sa Parole.
Ce qu’il dit n’est vraiment pas facile à accueillir.
Il y a d’abord le niveau d’exigence :
Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants,
ses frères et sœurs, et même à sa propre vie,
il ne peut pas être mon disciple.
Et au cas où on n’aurait pas bien compris, il répète une deuxième fois :
Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite
ne peut pas être mon disciple.
Enfin, en conclusion, il termine son propos en reprenant la même expression :
Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient
ne peut pas être mon disciple.
On comprend donc, non sans une certaine réticence intérieure,
que Jésus demande à chaque disciples de renoncer à tout ce qu’il a de cher.
On ne peut vouloir suivre Jésus, semble-t-il, sans le préférer à absolument tout.
De quoi faire réfléchir…
Et justement, Jésus invite au discernement préalable.
Il raconte deux paraboles pour inviter à ne pas faire le choix à la légère :
il faut commencer par s’asseoir pour évaluer à quoi on s’engage en suivant Jésus.
D’un certain coté, les deux exemples qu’il donne sont clairs :
vouloir bâtir une tour suppose que l’on possède l’argent pour la financer jusqu’au bout ;
se lancer dans la guerre implique d’évaluer les forces en jeux
et de disposer d’une armée suffisante pour l’emporter.
Dans les deux cas, il est plus que nécessaire
d’évaluer à l’avance les capacités et les moyens dont on dispose.
Il ne suffit pas d’être soudain enflammé d’un élan enthousiaste,
ni de compter sur sa seule volontés en pensant qu’il suffit de le vouloir pour arriver.
Il importe d’apprécier si l’on est assez riche pour s’accorder cette tour,
et si l’on est assez puissant pour se risquer à la guerre.
Mais voilà : en écoutant ces deux paraboles, Jésus semble brouiller son message,
ou du moins notre compréhension ;
et il nous met dans l’embarras.
Il applique ces deux exemples au choix que doit faire celui qui veut devenir son disciple.
De même, dit-il, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tous ses biens
ne peut pas être mon disciple.
Or dans le cas du bâtisseur de tour, ou dans celui du roi qui prépare la guerre,
il s’agit d’évaluer ce que l’on possède, en argent ou en puissance militaire.
Mais dans le cas du disciple, il s’agit non de ce que l’on possède,
en force, puissance, générosité, argent ou même capacités humaines,
mais au contraire de ce que l’on est disposé à quitter, à lâcher, à abandonner ;
ce dont on est prêt à se dessaisir.
En reprenant l’ensemble du propos, Jésus dit donc en substance :
pour me suivre, il ne vous suffira pas d’être prêt à vous dépouiller de la plus grande partie
de ce que vous possédez :
en réalité, il faudra que ça soit tout !
Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tous ses biens ne peut pas être mon disciple.
Une fois qu’on a bien compris, nous voilà déconcertés !
Pas seulement par l’exigence totale,
mais encore parce qu’il n’est vraiment pas naturel de raisonner de cette manière.
Pour réussir nos projets humains,
on aura d’autant plus de chance d’y arriver qu’on est fort et courageux,
ou qu’on dispose d’une bonne expérience, de beaucoup de moyens, d’un solide réseau…
Si on cherche à s’associer des collaborateurs pour un projet ambitieux,
on étudiera attentivement les capacités des candidats,
et on choisira celui qui possède le plus d’atouts.
Pour Jésus, il semble que ça soit l’inverse.
Pour le suivre, il demande qu’on se dépossède, qu’on abandonne ce que l’on a,
ou encore qu’on se fasse pauvre et dépouillé.
Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! (Lc 6, 20,24)
Ce n’est pas selon la logique de la nature.
Et puis, il y a une deuxième gêne de notre part.
Jésus nous invite à nous asseoir utiliser toutes nos facultés de raisonnement
afin de bien peser la dépense.
Mais la dépense à laquelle il nous invite n’est absolument pas raisonnable.
Peut-être même est-elle impossible…
On peut être tenté de laisser tomber : tes exigences, Seigneur, sont au dessus de mes facultés.
Pourtant, si nous sommes là ce matin, c’est parce que Jésus nous a attiré à lui.
Et peut-être même nous trouvons-nous dans la situation qu’on peut résumer ainsi :
La barre est trop haute pour moi, et je devrais m’en aller et laisser derrière moi tes exigences.
Mais je ne peux pas.
Je tiens trop à toi.
En réalité, mon cœur me dit même que sans toi, il n’y a rien qui compte.
Et c’est ce qu’on vécu tes apôtres : A qui irions-nous, Seigneur ?
C’est alors qu’on entre dans une autre logique.
Il s’agit de l’économie de l’Amour divin.
Saint Augustin la résumait ainsi : La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure.
Dieu est amour.
Et son amour est excessif, débordant, surabondant. L’amour en fait toujours un peu trop !
Jésus lui-même aime jusqu’à se livrer sur la croix à ceux qui ne l’aime pas.
Jésus nous demande de le suivre sur ce chemin de l’Amour.
Alors oui, nous n’en sommes pas capable, mais Jésus nous dit : toi, suis-moi.
Toi, aime comme j’aime moi-même.
A toi, c’est impossible. Mais rien n’est impossible à Dieu.
Suis-moi et fais-moi confiance.
Entre dans ce mystère de mon amour où tout devient possible à celui qui aime.
Cette économie-là, c’est celle du Royaume de Dieu.
Elle fait éclater nos conceptions naturelles jusqu’à élargir notre cœur
à la largeur du Cœur de Dieu.
Le Livre de la Sagesse l’exprimait en première lecture :
Quel homme peut comprendre les volontés du Seigneur ?
Et Jésus répond au jeune homme riche :
Une seule chose te fait encore défaut : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres
et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. (Lc 18, 22)
Le jeune homme s’en alla tout triste car il avait de grands biens.
Mais moi, sur ta parole, je vais jeter mes filets ;
je vais avancer au large, dans l’infini de ton amour.
Seigneur Jésus, attire-nous à toi.
Fais-nous entrer toujours plus profondément dans la dynamique de ton Amour.
Tu sais l’inconsistance de notre cœur.
Mais nous savons la puissance du Tien.
En ce dimanche encore, nous nous remettons entre tes mains.
Seigneur Jésus, j’ai confiance en toi.