Réjouissons-nous chers frères et sœurs car nous sommes en temps de carême ! Non je ne me trompe pas dans mes propos ! Réjouissons-nous car ce temps de jeûne et de purification nous introduit vers la merveilleuse et mystérieuse montée vers Pâques. Il nous ouvre le passage du monde fini du péché vers le monde infini de l’amour. Du monde fini de la dégradation vers le monde infini de la pureté éternelle ! Et en cette année jubilaire de l’Espérance, il nous rappelle que le Christ a vécu notre condition humaine sans faiblir et l’a élevée vers la vie divine promise à chacun de nous ! Oui réjouissons-nous et profitons de ce saint temps pour ajuster nos âmes à la volonté de Dieu. Et, en ce premier dimanche, de carême, nous sommes invités au désert par le Christ.
Juste après son baptême qui se déroula proche de la mer morte, Jésus est conduit au désert par l’Esprit. Le désert : lieu vide et délaissé, région quasi inhabitée, sorte de garrigue inculte ; voilà un endroit unique pour changer de vie. Le lieu évoqué aujourd’hui est vraisemblablement le désert de Juda, situé le long de la Mer Morte, dans la vallée méridionale du Jourdain, au point le plus bas de la terre. Et c’est justement là que Jésus subit jeune et tentation. C’est là qu’il accepte humblement sa condition d’homme. Lui, le Fils du Très Haut, consubstantiel au Père va au plus bas de la terre pour entamer le combat avec le diable et relever l’homme de la déchéance du péché. Péché incarné par le diable qui loin d’être une abstraction est une triste réalité. Et pour reprendre le catéchisme de l’Eglise Catholique : « C’est le satan, le mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu. C’est celui qui « se jette en travers » du dessein de Dieu et de son « œuvre de salut » accomplie dans le Christ. Il est « Homicide dès l’origine, menteur et père du mensonge » des mots mêmes du Christ (évangile selon saint Jean VIII 44), « le satan, séducteur du monde entier » dont parle l’apocalypse (Apocalypse XII 9), c’est par lui que le péché et la mort sont entrés dans le monde et c’est par sa défaite définitive que la création toute entière sera « libérée du péché et de la mort » (« Catéchisme de l’Eglise catholique », publié en 1992).
Et pendant 40 jours, Jésus est tenté par cet être pervers et mauvais. Lui, le divin, subit la tentation que tout homme dans sa vie subit en permanence. Il subit la tentation et la déjoue avec une divine habilité, tout cela pour nous ouvrir les portes du paradis. Il nous montre ainsi le chemin pour vaincre le mal. Il préfigure aussi sa descente aux enfers et sa victoire définitive contre le mal, qui l’amènera à faire sortir des enfers sa création prisonnière du mal, nous ouvrant les portes de la vie éternelle. La lutte est engagée, et nous voilà au cœur de la bataille avec pour Chef du combat celui qui nous apprend à combattre dans trois directions elles-mêmes suggérées par le diable, et qui ont toutes rapports aux lois du Deutéronome. Le diable connaît si bien nos faiblesses, nos difficultés à suivre l’enseignement de Dieu qu’il les utilise pour nous faire chuter. Le Christ quant à Lui nous montre comment ne pas se laisser tenter et sortir vainqueurs du combat qui ouvre les portes de l’éternité.
La première tentation : La pierre changée en pain vient aussi nous interpeler sur notre rapport à la consommation. Elle intervient quand Jésus commence à souffrir de la faim, le Tentateur lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain » et Jésus de répondre : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. ». Si nous actualisions cette proposition malhonnête du diable nous y verrions tant de tentations de consommation que notre monde nous faire miroiter. Consommation de télévision, d’Internet, de loisirs et j’en passe, des plus dégradantes encore, qui ne nous rassasieront en rien de notre soif de vivre et notre faim d’amour. Et, en répondant au diable : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre » le Christ, nous invite à vivre la béatitude de la pauvreté, que l’on pourrait exprimer ainsi : « Heureux ceux qui ont faim, et qui comptent sur Dieu seul pour les combler. ». Jésus le dira à ses disciples après la rencontre avec la samaritaine : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4,32-34). Voilà ce à quoi nous sommes invités aujourd’hui. Voilà une piste de sainteté à prendre pour notre carême : nous nourrir des écritures pour mettre nos pas dans ceux du Christ et ainsi accomplir l’œuvre du Père.
La deuxième tentation, est celle du pouvoir : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ses royaumes » dit le satan à Jésus. Il promet tous les royaumes de la terre ; et Jésus de citer le décalogue (Dt 5,6-9). : « C’est devant le SEIGNEUR ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. ». L’homme ne doit pas se soumettre au diable pour en tirer pouvoir et honneur. Et pourtant notre monde est saturé des ces hommes avides de domination et volonté de dominer le monde… Faut-il citer des exemples ou des noms ? Cela ne me semble pas utile. Notre monde est aussi saturé de ces législateurs qui se prennent pour Dieu en voulant agir de façon négative sur nos vies du début à leur fin. Mais qu’en est-il pour nous ? Le temps de carême est le temps favorable, c’est le temps du repentir, c’est le temps du salut. Utilisons-le donc pour nous transformer en humbles serviteurs respectueux de tous, quelles que soient et nos rôles, nos fonctions, nos savoirs.
Troisième tentation – la mise à l’épreuve de Dieu. Le diable dit à Jésus : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Et Jésus de répondre : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le SEIGNEUR ton Dieu » (cf Dt 6,16), c’est-à-dire tu n’exigeras pas de Dieu des preuves de sa présence et de sa protection. Le Fils de Dieu sait, lui, qu’il est en permanence sous l’abri du Très-Haut quoi qu’il arrive. Et nous aussi, nous sommes sous l’abri du Très-Haut, dès l’instant que nous lui faisons confiance. N’est pas cela la foi ? Paul nous le signifie bien aujourd’hui : « Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. ».
Si nous avons des doutes, utilisons ce temps de carême pour raffermir notre foi. Pourquoi ne pas prendre des temps de prière intérieure, sous le regard du Très-Haut « Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur : « Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! » » (Ps 90) chante le psalmiste. Oui nous pourrions prendre le temps pour reconnaitre tous les bienfaits dont Il nous a déjà comblés : « Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix » (Deut 26) ; prendre le temps pour rendre grâce pour tant de grâces et repartir rassénérés. Ainsi notre foi grandira, et notre salut sera encore plus certain.
Frères et sœurs, voilà de belle piste de progrès qui nous sont offertes. Utilisons ce magnifique temps de carême pour apaiser notre faim de consommation et la remplacer par une faim de proximité du Seigneur au travers des Ecritures, cela nous sanctifiera. Profitons de ce temps de conversion pour ajuster nos comportements par rapport à nos frères en humanité, nous ajustant au Christ en devenant humbles serviteurs respectueux de tous. Enfin, raffermissons notre foi au travers de la prière personnelle et secrète qui nous fera redécouvrir les merveilles de Dieu et nous rendra « capables de comprendre (…) quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… » de « l’amour du Christ. » « Alors nous serons comblés jusqu’à entrer dans toute la plénitude de Dieu. » (Ep 3, 18-19). Voilà des conditions pour vivre un saint carême qui nous remplira d’Espérance et nous préparera à rendre grâce au jour de Pâques pour cette vie éternelle qui nous sera donnée.
Amen.