L’unité vécue dans la foi, l’espérance et la charité
Homélie de fr. Joseph  |
le 29 mai 2022  |
Texte de l'évangile : Jn 17, 20-26

En toute indiscrétion, je me permets de vous poser cette question : Avez-vous déjà écrit ou réfléchi à votre testament ? Avez-vous même songé à en faire un ? Et si oui, quelle en serait le contenu ? Serait-il un simple inventaire de vos biens pour en désigner les heureux destinataires ? Est-ce que vous feriez le pas de laisser vos mémoires à votre descendance ? Choisiriez-vous plutôt une exhortation morale ? ou un témoignage spirituel ? Rassurez-vous je ne vous dis pas cela aujourd’hui pour vous mettre la pression. Je vous dis cela car les lectures de ce jour s’apparente à 3 testaments, à 3 prises de paroles à toute extrémité.

Ainsi, en première lecture, nous avons entendu un extrait du livre des Actes des apôtres qui décrit la vision d’Etienne, au moment de son martyr. Nous avons ensuite entendu le dernier chapitre de l’Apocalypse de saint Jean, ce passage où Jésus déclare : « Oui, je viens sans tarder. » Et l’Evangile portait précisément sur la fin de la grande prière sacerdotale de Jésus, celle qui se trouve au chapitre 17 de l’Evangile de Jean, juste avant l’arrestation et la Passion de Jésus. Ce sont là 3 sommets, 3 moments ultimes qui sont chacun porteur d’un message propre. J’y distingue en effet un triple témoignage, un témoignage d’espérance, un témoignage de foi et la révélation du secret désir de Dieu : son désir d’unité dans la charité.

Le récit du martyr d’Etienne est bien connu. Là, tandis qu’une pluie de pierres s’abat sur lui, Etienne, tout rempli d’Esprit Saint, nous partage sa vision : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ». Voilà un témoignage susceptible de nourrir à jamais notre espérance. Etienne nous révèle que le Ciel qui nous attend sera une rencontre. Quand il s’endort dans la mort, il n’a pas la vision d’un rideau qu’on tire, la sombre idée qu’il n’y a rien après, ou l’amertume d’une vie qui était de trop. Non, il s’endort avec la vision du Ciel, la vision de Jésus dans sa Gloire. Voilà quelle doit être notre espérance ! C’est ce que nous fêtions jeudi dernier avec la fête de l’Ascension. Nous ne fêtions pas un Jésus qui s’éloigne de nous, mais un ciel qui se remplit de la présence divine, ce Ciel qu’est Jésus lui-même. Ce ciel qui nous attend est plein, non pas seulement d’autant de personnes pardonnées, vivifiées, sanctifiées par Dieu, mais plus encore de Dieu lui-même. Comment dès lors se laisser submerger par la morosité ambiante quand on se trouve face à un tel témoignage, quand on consent à croire qu’un Ciel plein nous attend ? Les récentes canonisations à Rome avec le Saint Père ne disaient-elles pas précisément cela ?

Le livre de l’Apocalypse attise, quant à lui, notre foi, foi en la présence permanente de Jésus, foi en l’accomplissement des promesses divines. Jésus annonce ici sa divinité en affirmant que, de toujours à toujours, il est. « Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » Quelle parole insondable ! Jésus est au principe du monde, du cosmos, et sera toujours avec nous jusqu’à la fin du monde. Réjouissons-nous de l’Ascension du Christ car Jésus n’est pas entré dans l’espace interstellaire, au-dessus des nuages, mais dans « l’espace de la proximité divine ». Si bien que « l’être humain est désormais entré de manière inouïe et nouvelle dans l’intimité de Dieu ; l’homme trouve désormais pour toujours place en Dieu. » Aussi notre mission en Eglise, n’est sûrement pas de « préparer le retour d’un Jésus « absent », mais, au contraire, [de vivre et d’œuvrer] pour proclamer sa « présence glorieuse » dans l’histoire et dans nos existences. » (Benoit XVI)

Et Jésus entend aussi attiser notre foi en nous révélant qu’il réalise lui-même la promesse, qu’il est celui qui devait venir, le Messie annoncé par les prophètes : « Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » Comme le dit Saint Paul, croire cela, c’est déjà être sauvé : « Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé. » (Rm 10, 9)

Espérance, foi, et unité. Notre passage d’Evangile insiste fortement sur l’unité, mais on peut comprendre qu’il s’agit là d’une unité dans la charité. « Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » On comprend dès lors que la mission première de l’Église n’est pas seulement la transmission d’un donné biblique, d’un contenu de foi, mais aussi le témoignage d’un amour sincère. « Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35) Aussi je pense ne pas trop me tromper en disant que cette ultime prière de Jésus rejoint sûrement celle de nombreuses femmes d’aujourd’hui… En effet, quelle femme, lors d’une fête de famille, ne se plie pas en quatre pour que tout se passe bien, que tout le monde trouve sa place, que la famille soit unie, que l’unité ne soit pas une façade, mais une unité heureuse, sincère, profonde. Et finalement de consentir avec Jésus que l’unité, c’est vrai un défi, qu’elle n’est jamais gagnée d’avance, mais qu’elle est un vrai printemps de paradis quand elle s’invite.

Cela étant, nous aurions tort de croire que l’unité dans la charité trouve son modèle en l’homme. Non, c’est en Dieu que nous est donné le modèle d’unité dans la charité et nous y sommes associés par une conversion profonde à l’amour trinitaire, cet amour unissant le Père et le Fils et dont nous sommes rendus participants par le baptême. Ainsi, « quand Jésus prie pour que nous soyons unis, ce n’est pas pour que nous ayons une meilleure image dans le monde ou que nous soyons plus efficaces, c’est pour que nous soyons réellement capables d’entrer en communion avec Lui comme il est en communion avec son Père ». (Cardinal André Vingt-Trois)

Chers frères et sœurs, l’Église nous propose d’accueillir aujourd’hui ces trois témoins de l’Esprit que sont Etienne, Jean dans son Apocalypse et Jésus ; d’accueillir leur testament spirituel, afin de grandir en espérance, d’affermir notre foi et de fortifier entre nous le lien de la charité. N’oublions jamais en effet que « l’Eglise n’est pas née et ne vit pas pour suppléer l’absence de son Seigneur « disparu », mais qu’elle trouve au contraire la raison de son être et de sa mission dans la présence permanente bien qu’invisible de Jésus, une présence agissant avec la puissance de son Esprit. » (Benoit XVI)

Gardons pour cela notre cœur fixé sur le Christ, ne plaçons rien avant Lui. Cette proximité avec Jésus ne sera pas source de distraction, bien au contraire, c’est par elle que nous serons davantage poussés à nous engager pour construire une société plus solidaire, plus respectueuse des hommes, de la nature, de la terre.

Lorsqu’on a reçu la Bonne Nouvelle, on ne peut pas se taire. Il devrait toujours y avoir au-dedans de nous ce besoin impérieux de transmettre, de donner Jésus-Christ, et d’annoncer son retour, lui qui veut transformer l’humanité en Epouse fidèle. (cf fr Jose Fabre)

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