Frères et sœurs, la liturgie nous invite à entrer dans cette nouvelle année avec Marie. À la contempler plus particulièrement dans le mystère de sa maternité. Marie, en effet, est mère : Mère de Jésus, Mère de Dieu et Mère des hommes. Nous allons voir combien la maternité de Marie est sans cesse en devenir. Marie est mère et elle ne cesse de le devenir de plus en plus. On peut dire qu’en Marie, la maternité est consacrée, menée à son plein accomplissement. Que cette contemplation de Marie en sa maternité nous fasse désirer, pour chacun de nous et en cette nouvelle année, un véritable accomplissement de ce que nous sommes.
Marie est donc mère. Et tout d’abord mère de Jésus. N’est-il pas touchant ce message de l’ange dans la nuit de la Nativité : «Aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ Seigneur. Et ceci vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche». (Lc 2,11-12) Qui a donc enveloppé de langes et couché l’Enfant Jésus si ce n’est Marie ? L’ange s’émerveille autant sur le nouveau-né que sur les premiers gestes de Marie comme mère. Les anges ont vu les premiers gestes, sûrement fragiles et encore peu sûrs, de cette jeune mère et se sont réjouis. Par ces gestes tout simples, Marie est née à sa maternité. Jusqu’à maintenant, Marie avait laissé faire le déploiement naturel de la vie en elle. Elle a porté cet enfant, elle l’a mis au monde. Mais maintenant, il y a quelque chose de neuf. Son toucher, son regard, son agir, ses paroles vis-à-vis de cet enfant sont le fruit de son instinct de mère, de son attention et de sa tendresse maternelles. Elle se rend compte combien toute sa vie sera désormais marquée par cette relation de mère à fils. Dans cet acte banal d’avoir, pour la première fois, à langer et à coucher Jésus, Marie a découvert tout le mystère de sa vie : elle est et demeurera à jamais la mère de Jésus, le Christ Sauveur.
Mais il serait insuffisant d’en rester là, de ne pas méditer un peu plus profondément sur ce mystère de la maternité de Marie. Car dans les simples gestes de cette maman se jouait autre chose. Marie apprenait à connaître et à aimer Dieu. De même que nous ne connaissons le Père que par le Christ, de même Marie n’a connu le Père que par le Christ, que par son fils. En s’approchant de Jésus parce qu’elle est sa mère, Marie s’approchait de Dieu car le Père et le Fils sont un. En servant Jésus, elle servait Dieu. Toute l’intimité qui se déployait entre elle et son fils la faisait pénétrer dans une intimité plus profonde avec Dieu.
Avant cette naissance, Marie pratiquait la loi de Moïse, elle entretenait en elle la mémoire des hauts-faits du Seigneur. Au Temple, elle se tenait sur le parvis des femmes, elle voyait de loin le Saint, et le Saint des Saints au cœur du Sanctuaire, là où seul le grand-prêtre pénétrait, derrière le voile, pour se tenir en présence de Dieu. Or ce voile s’est déchiré, cette distance est devenue proximité. Alors que le grand Moïse lui-même n’avait pu voir la face de Dieu, Marie a vu la face de Dieu dans le visage de cet enfant nouveau-né, dans le visage de son petit enfant. Dieu s’est fait proche d’elle jusqu’à pouvoir être touché, bercé, embrassé. Plus que Moïse, plus qu’aucun grand-prêtre, Marie a été proche de Dieu. Ainsi Marie a connu Dieu comme nul autre pareil. Elle qui a engendré Jésus temporellement dans son humanité, elle s’est trouvé associée dans sa maternité à l’engendrement éternel du Fils par le Père dans sa divinité. Marie, fille des hommes, créature de chair, est devenue Mère de Dieu, mère de son Créateur car par elle, Dieu est venu dans le monde en épousant notre humanité.
La maternité divine de Marie a bouleversé toute sa relation à Dieu. Lorsque dans sa prière, elle s’adressait au Père, elle s’adressait au Père de son fils, dans l’Esprit Saint. Lorsqu’elle priait Dieu, elle le priait comme une mère. Marie a vécu pleinement sa vocation de mère de Jésus en laissant son fils lui révéler le Père. «Qui m’a vu a vu le Père». (Jn 14,9) Marie a vécu tous les évènements de sa vie pour ainsi dire dans le cœur même de Dieu, comme une mère. On comprend que Marie retenait et méditait tous ces évènements dans son cœur de mère.
Mais la maternité de Marie va encore plus loin. Étant mère de son fils, Marie était conduite à une connaissance intime de Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint. Et cette connaissance appelait sa participation à elle à l’accomplissement du salut des hommes. Tous ses gestes de mère, Marie ne les a pas accomplis uniquement pour son fils. Elle sait qu’elle participait par là à la mission de son fils. Si Marie a mis au monde ce fils, c’était pour donner plus tard ce même fils au monde afin de le sauver. «Faites tout ce qu’il vous dira» demandera Marie à Cana. Toute l’attention que portait Marie à son fils était une attention à l’œuvre que son fils devait accomplir : le salut des hommes. Mère de Jésus, Mère de Dieu, Marie est devenue Mère des hommes, accompagnant par sa maternité spirituelle la re-naissance de l’humanité dans la Pâque de son Fils.
Comme le chante la liturgie byzantine, oui, il est vraiment digne de te bénir, Mère de Dieu. Dans ta maternité humaine, divine et spirituelle, toute maternité est consacrée. En cette nouvelle année qui commence, enfante-nous à ce que Dieu veut pour nous, conduis à son accomplissement ce que nous sommes en Dieu. Et donne-nous d’être «mère du Christ» en transmettant la vie nouvelle qui nous vient de Dieu à nos frères les hommes. Prie pour nous Sainte Mère de Dieu.
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