La liturgie de ce jour, chers frères et sœurs, nous parle de … la liturgie. Oui, de ce composant essentiel de toutes les religions. De cet échange admirable entre le ciel et la terre, comme le dit une prière eucharistique. Entrons ensemble en dialogue que Dieu propose à son Église aujourd’hui. Dieu n’a pas honte d’être aussi notre Dieu. Amen, alléluia.
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«Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte.»
Voilà, comme je l’ai évoqué au début de la messe, la liturgie de ce dimanche nous parle de la liturgie. En fait, du culte. Autrement dit, la religion. Simplifiant un peu bien sûr, il n’y a pas de religion sans une liturgie, sans un culte. Que ce soit l’hindouisme, que ce soit l’islam, les chamanisme divers, et même les mystères presque politiques, partout nous retrouvons une manière de mobiliser notre corps et l’âme, pour produire un culte, qui est supposé de lier la terre avec le ciel.
On réserve un temps, un lieu, une chose, pour le culte. Avec ses rites. On fait souvent appel à une personne qualifiée, un prêtre, pour accompagner ce moment particulier. En ceci consiste habituellement la liturgie.
Même Jésus, par son incarnation, dans un contexte hébraïque et hellénistique, inscrit notre religion dans ce mouvement général de l’humanité qui veut communiquer et même communier avec le divin. Il offre, il célèbre, il prie, il chante, il adore. Il est à sa manière un prêtre. Alors, rien de nouveau sous le soleil ?
Et nous, en quoi notre assemblée des gens croyants, est différente des autres gens qui offrent, qui célèbrent, qui prient, qui adorent, qui chantent ?
Encore une fois donc, Saint Paul précise : «Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte.»
Jésus Christ, en entrant dans le monde, dit pour sa part: «Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté.»… sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu.
Oui, chers amis, chers frères et sœurs, nous sommes tous les prêtres de l’Alliance Nouvelle. Il s’agit de mettre en communion avec Dieu non seulement une partie de notre temps, une partie de notre vie, lui réserver non seulement un lieu particulier, comme une église, ou lui réserver certaines personnes, mais lui offrir, unie au Christ, toute notre vie.
C’est de cela que parlent les textes de ce dimanche: Nombreuses sont les expressions pour désigner cette offrande, qu’est notre existence : «Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit», «Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, mon âme s’attache à toi.» «Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.» Jésus qui doit souffrir beaucoup, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Un sacrifice de toute la vie. Voilà ce qui nous met en communion parfaite avec Dieu. Est-ce que cela nous effraie ? Oui, on se dit : perdre la vie, l’offrir tout entière… Et pourtant ce ne devrait pas nous effrayer. Car Dieu, en s’adressant à notre être le plus intime, ne veut pas de nous ce que nous n’aurions pas. Quelque chose en plus. Un surplus qui nous échapperait. Il appelle ce que nous avons toujours et réellement : notre vie telle qu’elle est, dans toute sa vitalité justement, dans son désir de ne pas mourir, dans sa tension vers l’infini, avec le Christ. Nous avons même Dieu lui-même à offrir en chaque instant de notre vie !
La vie n’est pas un don que Dieu voudrait nous enlever. La reprendre, comme une dette. La vie est un cadeau que la mort, le mal, les ténèbres, l’illusion, le péché, veulent nous enlever. Il faut cacher notre vie tout entière en Dieu, avec le Christ. Quand le péché prend notre vie, donnons la à Dieu. Cela signifie la perdre. Quand le Satan veut la usurper, disons avec Jésus : «« Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Offrons notre vie à Dieu, mettons-la entre ses mains. Cachons notre vie en Dieu, notre trésor en Lui, ce que nous avons le plus précieux, toute notre vie, comme une offrande dans le temple, mettons notre être en Dieu.
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Jésus dit : perdre la vie, ne pas chercher sa vie. Pourquoi ? Car c’est Dieu qu’il faut chercher, Lui en qui est notre vie. Chercher Dieu, le connaître, l’écouter, discerner comment allumer un feu dans le cœur, comment être convaincu qu’avec Lui, en Lui, rien ne se perd.
Il y a là un certain mysticisme. Un feu. Un feu de l’amour, dont parle Jérémie, un feu du désir, un feu de l’abnégation joyeuse ou douloureuse, un feu du repentir et du pardon, un feu de la paix enfin gagnée, car il est vaincu le Prince de ce monde.
Telle était également la liturgie ultime du Christ. Jésus accomplit le commandement d’amour jusqu’à la fin, devant Dieu qui pourtant ne voulait pas un holocauste. «Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres… Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes. Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient. !»
Jésus est devenu une hostie, un sacrifice vivant qui ne meurt pas, qui dans l’éternité unit tout à lui, qui unie notre vie à sa vie, en se dilatant, ne diminuant jamais.
Chers frères et sœurs. «Ne prenez pas pour modèle le monde présent (qui passe), mais transformez vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.» C’est la liturgie qui sauve notre vie. Un culte du sacerdoce nouveau que nous sommes tous, par la foi en Jésus Christ. C’est pourquoi nous célébrons aussi cette eucharistie, et nous unissons à Jésus, offrande d’amour, toute notre vie, amen.