Du bord du chemin où il était assis, Bartimée se retrouve à la fin du récit sur le chemin suivant Jésus. Ce changement radical d’attitude est la conséquence de la prière insistante de l’aveugle.
La prière de demande de Bartimée se caractérise par une expression que nous reprenons en refrain au début de chaque Eucharistie : Eleison, prends pitié ! Dans la bouche de Bartimée, elle n’est pas un simple murmure. Au contraire, elle est un cri, un appel et l’aveugle donne de la voix pour se faire entendre. Et il ne sera pas déçu par Jésus.
Le fait que cet événement se passe aux portes de la ville de Jéricho doit nous rappeler un autre événement de l’histoire du peuple hébreu. En effet, dans le livre de Josué (6, 1-21), on nous raconte un fait de guerre incroyable. Les habitants de la ville s’étaient enfermés derrière ses remparts épais et imprenables par peur des israélites. Ceux-ci, sur ordre de Dieu, tournèrent sept jours durant autour des remparts de la ville et le septième jour, au signal de Josué, ils poussèrent un cri de guerre, sonnèrent de la trompe et sur le champ, le rempart s’écroula sur place. Les remparts réputés comme imprenables ont cédé au son du cri d’Israël.
Dans notre récit, Bartimée fait face, lui aussi, à un rempart infranchissable. Un cortège considérable entoure Jésus. Il est impossible d’accéder à lui. Et c’est bien par un cri que Bartimée va renverser ce mur bien réel mais invisible à ses yeux d’aveugle. La supplication de Bartimée est devenue un modèle pour les chrétiens – Kyrie, eleison ! – , prière puissante qui a la capacité de renverser les murailles !
Dans le récit évangélique selon saint Marc, cette prière de supplication, fait suite, comme en contraste, à une précédente prière de demande, celle des deux frères Jacques et Jean (Mc 10, 35-40). La requête des deux Apôtres n’était qu’une demande intéressée. Ils auraient voulu des places d’honneur dans la gloire de Jésus. Jésus va demander à l’aveugle d’expliciter sa demande avec la même question qu’il pose à Jacques et Jean : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle demande sa guérison tandis que Jacques et Jean demandaient une promotion. Et nous, frères et sœurs, que demandons-nous à Jésus dans la prière ? Jésus a beaucoup guéri, il a aimé guérir, mais il n’a pas aimé donner des promotions, des bonnes places à ses amis.
Les fils de Zébédée, Jacques et Jean, étaient proches de Jésus. Le fils de Timée, Bartimée, n’avait pas d’accès à Jésus. Mais, alors qu’une brèche s’ouvre pour lui, il prend des risques, il bondit – ce qui est en soi dangereux pour un aveugle –, il laisse tomber son manteau, le manteau du mendiant qui est, selon la Torah, la seule chose qu’on ne pouvait en aucun cas lui prendre en gage, et donc son unique protection. Il vient devant Jésus en rejetant toute protection, nu, sans rien ! Dans cette audace, Jésus reconnaît assurément la foi, la seule véritable force : « Ta foi t’a sauvé ».
Les fils de Zébédée suivaient Jésus sur le chemin mais ils demandaient à siéger auprès de Jésus. Il s’agissait pour eux d’obtenir de bonnes places, stables une fois pour toutes, statiques. Ils ne seront pas exaucés. Le mendiant, lui, était assis au bord du chemin mais cette stabilité était la conséquence de sa pauvreté, de son handicap. Dès qu’il est guéri, la dynamique reprend le dessus : Il le suivait sur le chemin. De même, la prière n’a de sens que dynamique, elle ne peut pas viser l’installation ; elle est au contraire ce qui fait tomber les murailles, ce qui remet en route, ce qui permet de suivre Jésus sur le chemin.
Seigneur, tu as entendu le cri d’appel de Bartimée ; tu lui as permis de se relever et de prendre part à la force de ta Résurrection. Prends pitié de nous qui te supplions. Que nous marchions à ta suite d’un cœur joyeux, heureux de mettre nos pas dans tes pas. Et quand nous serons arrivés aux portes de la Jérusalem d’en haut, accueille-nous dans ton Royaume.
(inspiré de fr. David-Marc D’Hamonville, Marc, l’histoire d’un choc, p. 246-248)
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