Qu’est-ce que Dieu attend de nous ?
Homélie de fr. Grégoire  |
le 4 février 2023  |
Texte de l'évangile : Mt 5,13-16

Qu’est-ce que Dieu attend de nous ? Ne vous êtes-vous jamais posé cette question ? Comment vivre pour faire la volonté de Dieu ? Que dois-je faire, et comment dois-je le faire ?

Les textes d’aujourd’hui veulent répondre à ces questions. Ou au moins nous orienter dans cette vérité que Jésus est venu nous dévoiler. Dimanche dernier, nous avons été mis en route avec la proclamation des Béatitudes. Aujourd’hui, nous ne changeons pas de sujet : la Parole de Dieu continue à creuser les pistes que les 9 béatitudes ont ouvertes.

Pour nous aider à actualiser ces textes, je vais commencer par en situer le contexte. Nous allons nous rendre compte que leur situation sociale et spirituelle ont quelque chose à dire aux chrétiens que nous sommes, nous qui vivons en 2023.

La 1ère lecture est issue du 3ème Isaïe : ce prophète écrit sous le nom d’Isaïe, mais en réalité, il écrit peu de temps après le retour de l’exil à Babylone. Après 70 ans de déportation, les exilés de retour à Jérusalem se retrouvent dans une situation très précaire : outre que tout est en ruine, les divisions dans le peuple sont les ruines les plus graves. Pour ressouder tout le monde autour du Seigneur, les prêtres ont lancé une profonde réforme religieuse en même temps que la reconstruction du Temple. C’est à ce moment que le Seigneur envoie son prophète, avec un message inattendu… Dans la liturgie d’aujourd’hui, on n’en a qu’un extrait, mais le message commence ainsi : Crie à pleine gorge ! Ne te retiens pas ! (Dieu s’adresse ici à son prophète). Dénonce à mon peuple ses péchés. Ils veulent connaître mes chemins. Ils voudraient que Dieu soit proche. 

En fait, le peuple durcit ses pratiques de prière, de pénitence et de jeûne pour se rapprocher du Seigneur. Ça paraît une bonne chose, non ? Mais le Seigneur continue : Oui, mais le jour où vous jeûnez, vous savez bien faire vos affaires, et vous traitez durement ceux qui peinent pour vous. Votre jeûne se passe en disputes et en querelles… Est-ce là le jeûne qui me plaît, un jour où l’homme se rabaisse ? Appelles-tu cela un jeûne, un jour agréable au Seigneur ? Bref, le peuple se fait remonter les bretelles par le Seigneur ! Il voulaient faire la volonté de Dieu, mais ils ont tout faux.

Alors, le Seigneur va leur expliquer ce qui lui plaît. Il va leur détailler le vrai culte qui rend gloire au Dieu vivant. Et c’est le passage que nous avons entendu en 1ère lecture : un passage percutant ! Pour rendre gloire à Dieu, il demande de libérer ses frères et sœurs de tout ce qui les oppriment : la précarité et le manque, par des gestes de partage, mais aussi la libération de tout ce qui blesse : le geste accusateur et la parole malfaisante.

On peut se rendre compte que c’est précisément ce que fait Jésus tout au long de l’évangile. La force de ce passage d’Isaïe, c’est aussi la promesse qui y est attachée : Si tu partages et tu prends soin, Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi. Voilà donc ce qui plaît au Seigneur, voilà le culte qu’il attend de ses fidèles. Et voilà aussi le lien avec l’évangile d’aujourd’hui !

Quand Jésus déclare : Vous êtes la lumière du monde, il s’adresse à ceux qui font la volonté de son Père, et qui resplendissent de la lumière de midi parce qu’ils agissent pour leurs frères et sœurs malheureux ou persécutés. C’est-à-dire ceux dont les actes libèrent l’image de Dieu qui est en eux. Car là où il y a l’amour, là aussi est Dieu. C’est l’amour qui révèle Dieu.

Maintenant, comme j’ai situé le 3ème Isaïe dans l’histoire de l’exil, il faut que je rappelle où en sont les chrétiens quand l’évangile de Matthieu est rédigé, autour des années 80 après J.-C., soit 50 ans après la Passion et la Résurrection. La foi se répand à toute vitesse, mais les obstacles se multiplient aussi ! Dans les communautés apparaissent des clivages entre les chrétiens d’origine juive et ceux issus du paganisme. Certains sont tentés par un retour aux pratiques les plus radicales de la Loi.

La Loi nouvelle, celle des Béatitudes, ouvre le chemin pour pratiquer la justice et la miséricorde. Cette Loi nouvelle n’est pas différente de ce que décrivait Isaïe, mais elle engage en réalité une étape supplémentaire : Il s’agit d’être sel et lumière.

Être sel de la terre pour donner du goût à l’humanité, pour relever sa véritable saveur. Être lumière du monde pour lui révéler ses couleurs et sa beauté, c’est-à-dire pour révéler aux humains qu’ils sont à l’image de Dieu, qu’il y a en eux plus grand qu’eux ! Notons que le sel et la lumière sont des révélateurs. Ils ne sont pas là pour eux-mêmes, mais bien pour la terre et pour le monde. Ils ne sont pas les sujets qui doivent être révélés en tant que tel, mais ils révèlent un autre qu’eux-mêmes. Par exemple, quand un plat est juste bien salé, on ne pense pas une seconde au sel ! On est plutôt en train de savourer le plat, et on le trouve rudement bon ! Par contre, on pense au sel quand il manque, ou quand il y en a trop !

Pour la lumière, c’est un peu la même chose : si elle manque, on y voit mal et on peste. Quand il y en a trop, elle écrase tout et on est ébloui ou gêné. Le but de la lumière et du sel, dans notre évangile, c’est de révéler l’homme à lui-même. Le vrai Homme, c’est celui qui est image du Dieu vivant !

Chaque être humain doit découvrir qui il est vraiment : un fils ou une fille de Dieu, un bien-aimé de son Créateur. Il doit sentir combien il est beau, et comment il fait la joie de son Seigneur.

Vous savez, c’est un peu comme dans le texte de la création, quand Dieu s’émerveille : il est dit 6 fois que Dieu vit que tout ça est vraiment bon. Et la 7e fois, en regardant l’homme et la femme, il s’exclame : vraiment, c’est très bon !

Les disciples de Jésus sont envoyés pour révéler à leurs frères et sœurs leur véritable identité. Leur dire qu’ils sont beaux, que Dieu trouve que c’est super bon qu’ils existent. Mais évidemment, ce n’est pas crédible de dire à une personne qui est en grande difficulté : tu sais, c’est bon que tu existes, tu es un vrai cadeau ! si on le laisse sans rien faire dans sa souffrance, si on ne voit même pas ses difficultés… Donc apparemment, c’est cela que Dieu attend de nous : que nous prenions soin de notre prochain. C’est le culte qu’il veut.

Alors, comment allons-nous nous y prendre pour célébrer le culte du Dieu-Amour ? D’une part selon le chemin de la première lecture, sans quoi notre lumière resterait ténèbres. Mais aussi selon le chemin que Paul indique dans la 2ème lecture. Paul parle de la manière dont lui-même annonce le mystère de Dieu. Rappelons que ce mystère divin, c’est que Dieu est Amour, et qu’il nous aime tellement que Jésus en a donné sa propre vie pour qu’on en soit sûr !

En contemplant ce mystère manifesté dans la personne du Christ, Paul a bien remarqué que Jésus lui-même a choisi une manière très spéciale pour dire cet amour : il a choisi d’endosser la faiblesse humaine.

Alors, c’est clair, Paul lui-même ne pouvait pas faire autrement que son Seigneur. L’apôtre dit donc : C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. Mon langage n’avaient rien d’un langage de sagesse qui veut convaincre ; mais c’est l’Esprit et sa puissance qui se manifestaient, pour que votre foi repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Paul a compris que la puissance de Dieu, c’est-à-dire son Saint Esprit. Et que cette puissance se déploie à fond quand on se présente les mains nues et sans chercher à être persuasif. L’évangile, ça ne rentre pas comme la philo ou la plaidoirie ! Ça se transmet avec un cœur ouvert qui rencontre celui qui a besoin de réconfort. Pour dire : je t’aime, et ça me fait quelque chose que tu souffres, il faut bien accepter d’être un peu vulnérable et de sortir de ses sécurités, non ? C’est le genre d’attitude que Paul appelle la sagesse de Dieu. Sans doute qu’on a essayé de lui expliquer que ce n’était pas raisonnable d’agir ainsi… Car la manière du monde, ce serait plutôt de tout maîtriser et de se montrer fort en toute circonstance. Quand saint Paul dit : Je ne veux rien connaître d’autre que Jésus Christ crucifié, on perçoit un peu les efforts qu’il a dû faire pour ne pas céder aux pressions…

Bon, récapitulons : Aujourd’hui, nous ne revenons pas d’exil, mais l’Église est particulièrement en difficulté. Les divisions, nous aussi, on connaît. Et nous avons l’impression que notre lumière ne rayonne pas beaucoup, que notre sel est piétiné dans les rues.. Il nous faut donc revenir aux fondamentaux. L’essentiel de l’évangile, avant même de prier tous les jours et d’aller à la messe, c’est de ne pas nous dérober à notre semblable, c’est de prendre soin de ceux que l’épreuve écrase et laisse à terre, car alors, notre lumière jaillira comme l’aurore, et nos forces reviendront vite.

Bien sûr, pour faire cela, il faut prier beaucoup ! Surtout pour le faire de telle manière qu’on ne ramène pas tout à nous et à notre mérite. Pas question de se mettre en lumière, mais bien de briller de la lumière de l’évangile. Alors comme dit l’évangile : en voyant ce que vous faites de bien, les gens rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. On ne peut être sel de la terre et lumière du monde qu’avec beaucoup humilité, et en n’ayant plus peur de montrer sa fragilité, car humilité et fragilité sont les meilleurs atouts de l’amour pour rejoindre ceux qui souffrent.

Il semblerait bien que si on suit la Parole de Dieu sur ce terrain, quand on va tous revenir devant l’autel pour la messe après leur avoir transmis l’Amour, notre prière va avoir une puissance à pousser les murs !

Vous savez ? Peut-être que c’est une bonne nouvelle que l’Église puissante et qui sait tout soit en train de s’écrouler… Car à part nos mains nues, nos cœurs ouverts et notre volonté daller prendre soin des autres, de quoi pourrions-nous avoir besoin ?

Seul un pauvre peut vraiment dire à un autre pauvre qu’il a du prix plus que tout. Seul un frère ou une sœur, s’il ou elle est vulnérable, peut dire Je t’aime à n’importe qui.

Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux, Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. etc…

Car vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. Alors, frères et sœurs, n’étouffons pas la lumière et ne perdons pas la vraie saveur de l’évangile ! C’est là ce que Dieu attend de nous.

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