Regagner confiance en la Parole
Homélie de fr. Benedikt  |
le 9 février 2025  |
Texte de l'évangile : Lc 5, 1-11

Vous vous souvenez, chers frères et sœurs, que dans le jardin d’Eden, où Dieu a placé l’homme, il y avait deux arbres. L’arbre de la connaissance du bien et du mal et l’arbre de la vie éternelle. L’homme n’a pas goûté au fruit de la vie éternelle parce qu’il a laissé entrer le doute dans son cœur et c’est celui-là qui le dévore. Vivre éternellement dans la crainte de la voix de Dieu, voilà ce que Dieu veut nous épargner. C’est peut-être la plus grande souffrance que de se sentir appelé à la vie éternelle, d’aspirer à la connaissance de Dieu, bonté parfaite et pourtant de souffrir d’un cœur divisé qui ne comprend pas la voix de Dieu et soupçonne la vie de cruauté.

La voix de Dieu cependant n’est jamais sortie de notre cœur profond et l’appel, la promesse divine sont toujours valables. Dieu a choisi de guérir nos cœurs. Et cette guérison passe par une confiance retrouvée en sa parole. C’est pourquoi Dieu appelle les hérauts de sa parole, les prophètes, les anges et les apôtres, c’est pourquoi Dieu essaie de nous convaincre que les portes de son cœur, bien que gardées par des anges de feu, sont toujours ouvertes. C’est là que pousse l’arbre de la vie éternelle. L’arbre du pardon. L’arbre dont le fruit est la communion retrouvée dans le corps du Christ. Et c’est par ce corps que nous retournons au paradis.

Les lectures d’aujourd’hui abordent précisément ce thème de l’appel des prophètes, apôtres de l’Église par la parole de Dieu et à cause de la parole de Dieu. Jésus est sorti pour proclamer la parole de Dieu. La foule se presse sur le bord du lac pour l’écouter. C’est le principal outil de guérison qui se produit autour de lui. Jésus veut guérir le mensonge profond en nous qui confond la crainte et la peur.

Tant le prophète Isaïe que Paul et Pierre sont tombés à la renverse devant la puissance de la parole de Dieu. Ils étaient aussi effrayés qu’Adam et Ève lorsqu’ils ont entendu la voix du maître de maison dans le jardin d’Éden. Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures… soupire Isaïe. Or l’ange toucha par le feu sa bouche et Isaïe put dire : Me voici : envoie-moi !

De même Pierre capitule devant la parole de Jésus caractérisée par l’abondance écrasante de bénédictions, la puissance du pardon, sa prédication qui prend l’image de cette grande pêche, est qui est le fondement d’un appel renouvelé à la communion avec Dieu.

Désormais ce sont des hommes que tu prendras. Comment sinon en prêchant l’amour de Dieu pour nous. Tu prendras les hommes par des paroles à enseigner à la communauté, par des paroles de pardon, par des paroles de miséricorde, par des paroles de jugement sur le mal. Tu prendras les hommes dans les filets de la miséricorde, tu vas m’aider à faire paître l’ensemble du troupeau de Dieu. Ces filets ne sont pas des paroles sophistiquées, une sorte de publicités colorées, mais, comme en témoigne saint Paul, c’est la proclamation de la folie de Dieu. La croix du Seigneur Jésus, l’arbre de vie : je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures…

Nous sommes tous, chers frères et sœurs, des enfants de la parole proclamée de l’amour de Dieu. En chacun de nous, la parole de Jésus rétablit la confiance perdue au paradis et nous libère de la peur et du mensonge. Même mourir est alors un gain pour nous, car lorsque nous mourons dans le Christ, lorsque nous mangeons le fruit de sa croix, lorsque nous sommes unis à lui dans la mort, nous accédons aussi avec lui à la résurrection et à la vie éternelle.

Tout sert alors pour rassembler le peuple de Dieu. Comme vous le savez, notre mot l’église signifie justement cela : celle qui est a était convoquée. Le mot grec utilisé par le Nouveau Testament pour décrire le peuple de Dieu est ecclesia, église. Et même en hebreu le mot kahal vient de la même racine : parler, appeler, convoquer. Nous sommes église, on peut dire, ceux qui ont repris confiance en la parole de Dieu. À ceci sert l’église et c’est l’Église : parmi toutes les nations communiquer pour communier. Dire à chacun et à tous : tu es élu de Dieu.

Dieu utilise tous les moyens pour y parvenir. À l’époque de l’appel des apôtres, c’était un bateau prêté par Pierre, aujourd’hui, cela peut être le travail de chacun, si nous invitons simplement le Christ à être avec nous et si nous lui faisons confiance. Le témoignage chrétien peut être très simple. Chacun, là où il vit, peut devenir ministre de la voix de Dieu. Celui qui appelle chacun par son nom. Chaque chrétien, non seulement les prédicateurs, est là pour dire par toute sa vie, Dieu est amour.

On peut se sentir pas capable, aux lèvres impures, indigne de tenir devant la face de Dieu. Se dire que ceci ne peut pas me concerner, d’être élu. Pourquoi moi ? Je ne mérite pas… Ou bien, une fois convaincu par la douceur du cœur de Jésus on peut se dire : si moi, alors tout le monde et la grâce de Dieu avec moi…
En ceci consiste justement le plus grand miracle de l’appel de Dieu : quand Dieu parle, ce n’est pas juste une information. C’est une parole créatrice. Il faut laisser Dieu me dire tout de moi ! Tout ce que je suis. Voilà la vocation : il prononce mon nom nouveau, il m’appelle des ténèbres à son admirable lumière, il m’établit en existence nouvelle, comme son enfant et son serviteur. Qui suis-je ? C’est à Dieu de me tout dire. Dieu nous prononce, il nous nomme, il nous appelle par ce nom. Du début à la fin, chaque cheveu de notre tête, chaque cellule de notre corps est dit par lui et capable du dialogue. Je peux me dire, ou plutôt me redire tout entier à la louange de son nom. Je peux prononcer son nom pour ma part, je peux prononcer Dieu, le mettre au monde en quelque sorte par ma parole et mes actes, par toute mon existence. Nous ne devons pas parler en vide. Notre existence dite par Dieu peut à son tour, dans un dialogue d’amour dire Dieu et convoquer le monde à la vie.

L’amour, chers frères et sœurs, se prononce de mille manières, mais en ces jours où nous sommes, Dieu nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes. Rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être, le Fils, qui porte l’univers par sa parole puissante. Après avoir accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la Majesté divine dans les hauteurs des cieux… Par lui Dieu nous dit à chacun : tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré.