Revenir à Jésus
Homélie de fr. Jean-Christophe  |
le 9 octobre 2022  |
Texte de l'évangile : Lc 17, 11-19

Ce magnifique récit évangélique se termine par cette phrase de Jésus : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ». Nous avons là le récit d’un salut. L’homme est purifié, guéri de sa lèpre et finalement sauvé. Je vous invite en ce dimanche à essayer de comprendre comment ce salut jaillit de la rencontre avec Jésus.

Regardons tout d’abord le contexte de cette rencontre. Jésus est en route vers la ville sainte, vers Jérusalem. Il a pris résolument le chemin qui le conduit vers sa Passion et la mort. Le contexte est celui de la Pâque, mémorial de la libération d’Egypte appelée à s’actualiser dans la vie du croyant. Les lépreux, de leur côté, sont d’abord au nombre de dix. Parce qu’ils sont lépreux, ils sont exclus, mis à part, « hors du camp ». « Concernant les lépreux, dit un texte juridique sensiblement du temps de Jésus, et retrouvé dans les grottes de Qumran, nous avons déterminé qu’ils ne peuvent pénétrer dans aucun lieu contenant des aliments purs consacrés, car ils seront tenus à l’écart hors du camp ». On imagine sans peine l’intensité de cette rencontre entre Jésus et ces exclus du camp.

La croix de Jésus ne sera-t-elle pas aussi élevée hors des murs de la ville ? Jésus monte vers Jérusalem mais c’est au-dehors de la ville, hors du camp, qu’on le conduira pour le crucifier, là où demeurent les lépreux. À la croix, Jésus rejoint tous les exclus, tous ceux qui sont mis de côté, tous ceux qu’on ne veut plus voir. Le salut passe par ce lieu de la croix, symboliquement placée hors du camp, hors de la ville. Ces lépreux coupés du reste des hommes sont en fait les plus proches du salut. Là où dans quelques jours on entendra vociférer : «Crucifie-le, crucifie-le», les lépreux supplient : «Jésus, Maître, eleison imas !» qu’on peut traduire : «Fais-nous grâce, fais-nous miséricorde.» Or, dans la Bible, une telle prière ne se dit qu’à Dieu. Dans leur misère, en voyant Jésus, les lépreux se reconnaissent comme rejoints par Dieu lui-même.

«Allez vous montrer aux prêtres», leur dit Jésus. Du dehors du camp, Jésus les pousse à entrer dans le camp, dans son centre symbolique qui est le Temple. Le Temple est le lieu où l’homme est ré-introduit dans la communion. Les lépreux sont invités à mettre fin à leur exil qui les coupait du Temple et de leurs frères. Et en chemin, ils sont guéris.

Et que se passe-t-il alors ? Un des dix lépreux, un Samaritain, revient sur ses pas. Son retour d’exil est un retour vers Jésus, un retour vers le seul prêtre qui soit, et vers son Corps qui est le vrai Temple. En même temps qu’il revient vers Jésus, il revient aussi vers lui-même, vers le Temple de son âme. La lèpre le maintenait en effet comme en exil de lui-même, en exil de son être profond. On ne voyait de lui qu’un impur, un homme à fuir. Jusqu’à maintenant, il ne faisait qu’exister. Désormais, il désire être en vérité ce qu’il est. Le retour vers son être, vers son identité véritable, se fait parallèlement à son retour vers Jésus. C’est cela la conversion. Seul Jésus nous conduit à la vérité de nous-mêmes. Il est le chemin, la vérité et la vie (Jn 14,6).

Regardez, frères et sœurs, le chemin de cet homme : il était crucifié par sa chair lépreuse et exclu. De la croix, il va au Temple, puis vers le Temple véritable : Jésus, le Fils de Dieu. Guéri, il est ensuite relevé, sauvé et il rend grâce, littéralement en grec, il fait eucharistie. La croix, le Temple, l’eucharistie.

Regardons maintenant le chemin de Jésus. Il monte au Temple de Jérusalem mais il en sera exclu par le grand prêtre. Il sera jeté hors de la ville ; hors du camp il sera cloué sur la croix prenant sur lui la lèpre de notre péché. Et il livrera son corps sur la croix pour le salut du monde. Le Temple, la croix, l’offrande dans l’eucharistie.

Les routes de ce Samaritain et de Jésus se sont croisées. Une rencontre qui a été échange de vie. L’un s’est déchargé de sa croix sur l’autre. L’un a donné sa vie pour l’autre. Le lépreux s’ouvre à la vie. Jésus consent à la mort. Le lépreux découvre la communion avec ses frères. Jésus meurt abandonné de tous. Le lépreux a saisi que Jésus ne lui avait pas fait un don mais LE don premier, source de tous les autres : le don de lui-même. La croisée de ces deux routes, de ces deux destinées, a son sommet dans l’action de grâce, dans l’eucharistie. C’est là dans l’eucharistie que le lépreux, de retour d’exil, trouve le salut.

Et nous, frères et sœurs, en cette eucharistie que nous célébrons, nous laissons notre chemin de vie croiser la route de Jésus vers son Père. Nous venons avec nos croix, nos infirmités, notre lèpre que nous déposons sur les épaules du Christ et lui, nous offre sa vie, son salut. Jésus actualise le don de sa vie sur la croix et nous, nous passons avec lui de la mort à la vie.

Aujourd’hui, le salut entre dans la maison de mon âme. Aujourd’hui prend fin l’exil de mon être. Je n’existe plus, je suis. Et plus je suis, plus Dieu est en moi.

Frères et sœurs, sachons rendre gloire à notre Dieu en tous temps. Soyons dans la reconnaissance pour Jésus, notre unique Sauveur. Faisons de notre vie une action de grâce, une eucharistie à la louange de sa gloire.

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