Avec ce début du temps de l’Avent, nous voilà placés
dans la perspective du retour de Jésus à la fin des temps.
Pour nous, Jésus est déjà né à Bethléem il y a deux mille ans ;
il est déjà né dans notre cœur à notre baptême
ainsi qu’aux moments de nos conversions successives où nous lui avons laissé davantage la place dans notre vie.
L’horizon de notre vie chrétienne, c’est le retour du Seigneur, comme il l’a annoncé.
C’est bien là aussi le terme de nos trois lectures d’aujourd’hui.
Le prophète Jérémie évoque les jours où le Seigneur accomplira la parole de bonheur
qu’il a adressé à Israël.
Il fera germer un Germe de justice, Israël sera sauvé et Jérusalem habitera en sécurité.
La naissance de Jésus est la réponse de Dieu à cette attente.
Mais la réalisation de la promesse est encore en cours.
Jérusalem n’est pas dans la paix, la justice ne règne pas sur la terre, le bonheur n’est pas reçu par tous.
Saint Paul ne s’y trompe pas, dans la 2ème lecture :
Il invite les chrétiens à affermir encore leur cœur et à fortifier leur conduite
pour les préparer à la venue du Seigneur.
Quant à Jésus, dans l’évangile, il demande à se tenir sur ses gardes,
à rester éveillé et à prier en tout temps
pour pouvoir se tenir debout devant le Fils de l’homme quand il viendra.
Pour nous, l’Avent n’est pas d’abord la préparation d’un anniversaire,
c’est une attente pour se préparer à l’accomplissement de notre foi.
Toute notre vie, toute l’Église, est tendue vers le retour du Christ dans la gloire,
et le temps de l’Avent est là pour raviver cette finalité bienheureuse.
Il est bon de commencer par clarifier ce qui va se passer.
Nous n’en savons pas grand-chose, mais c’est suffisant pour avancer avec confiance et sans hésiter.
A son retour, quand on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire,
Jésus décrit deux types d’attitudes contrastés :
– d’un coté, celle les nations qui seront affolées et désemparées ;
les hommes mourront de peur en voyant le monde et les puissances des cieux ébranlées ;
– de l’autre les disciples, à qui Jésus s’adresse, qui sont alors appelés à se redresser
et à relever la tête avec confiance.
D’un coté, un jugement qui va mettre le monde dans la confusion et dans l’angoisse ;
de l’autre, la rédemption, c’est à dire la délivrance tant attendue, le relèvement et la joie du face à face.
Ces deux postures sont très opposées, comme deux attitudes inconciliables.
Si Jésus nous demande de nous tenir sur nos gardes, c’est bien que, même pour les disciples,
il y a un risque de laisser alourdir son cœur, de se laisser prendre par les soucis du monde,
et de ne plus demeurer dans l’espérance et l’attente du Seigneur.
Le sujet de la vigilance qui nous ai demandé n’est pas nouveau :
il s’agit du double commandement de l’amour : aimer Dieu et aimer son prochain.
Dans la deuxième lecture, l’apôtre nous exhorte à demander
un amour de plus en plus intense et débordant,
à demander la sainteté.
La sainteté, c’est faire sans cesse de nouveaux progrès dans le don de soi.
Le prince de ce monde, lui, nous chante une toute autre chanson :
il ne cesse de nous susurrer : « N’attendez pas pour prendre du bon temps !
La vie est trop courte pour ne pas en profiter !
Faites-vous du bien !
D’ailleurs, Dieu vous aime : lui aussi veut votre bien-être et votre confort ! »
Cette musique est un air tellement prégnant à nos oreilles
que nous finirions presque par le trouver normal !
Jésus, lui, nous dit tout autre chose :
Tenez-vous sur vos gardes, votre vie est unique, elle est trop précieuse pour la perdre !
Écoutez la parole de Dieu qui veut convertir votre cœur,
plutôt que d’écouter le prince de ce monde et ses sirènes.
Ne craignez pas de choisir la vraie vie, c’est à dire la justice et l’amour véritable.
Craignez plutôt vos penchants mauvais et la fermeture de votre cœur.
Réveillez-vous et priez.
Pourquoi demander de se réveiller ? Dans la bible, le sommeil est associé à la mort.
Du coup, quand le nouveau testament parlera de la résurrection de Jésus,
il dira qu’il s’est réveillé d’entre les mort.
Le sommeil est aussi ce moment où on n’a pas prise sur nos rêveries et nos fantasmes.
On vit alors en dehors des réalités, en dehors des relations vraies.
Tout en nous est centré sur notre passé, et nous voyons la vie selon la fertilité de notre imagination
plutôt que par l’exigence du don de soi, c’est-à-dire selon l’amour authentique.
Cette vie fantasmée ne peut pas nous conduire à la vie éternelle.
C’est pourquoi Jésus insiste à ce point sur la nécessité de sortir de notre sommeil.
Se réveiller pour affronter la vraie vie, et donc pouvoir donner sa vie,
se réveiller afin de vivre pour les autres et pour Dieu.
On rencontre parfois des personnes qui sont dans leur monde, comme on dit.
Et on sent bien que cette enfermement ne peut guère les conduire à la Vérité tout entière.
On voit bien cela chez les autres, mais on peut plus facilement être dupe de soi-même,
et rester anesthésié, tourné sur notre propre bulle imaginaire.
La conversion qui nous fait sortir de notre sommeil et entrer dans la vraie prière
consiste au contraire à affronter la réalité :
réalité de la souffrance autour de nous, réalité de la misère,
des inégalités et de l’injustice.
Entrer dans la réalité, c’est convertir notre regard.
On peut être tenté de regarder le monde de l’extérieur et donc de le juger.
Sauf que nous sommes un humain parmi tous les autres, pas si différent du reste des humains.
L’évangile nous invite à ne pas juger les autres, mais à se convertir soi-même.
A ne pas focaliser sur la paille dans l’œil de mon prochain,
mais à enlever la poutre qui est dans le mien.
Frères et sœurs, puisque c’est en Église que nous devons veiller, tous ensemble,
aidons-nous mutuellement à sortir de nos bulles,
et à vivre dans la réalité des événements qui nous entourent.
A chaque fois que l’un d’entre nous le fait,
qu’il se donne de la peine pour aimer en vérité,
il aide aussi ses frères et sœurs à sortir de leur sommeil.
Une Église engagée à soulager, à soigner, à relever et à encourager
ne sera pas surprise à l’improviste quand son Seigneur reviendra.
Vous savez comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu, dit Paul ;
C’est bien ainsi que vous vous conduisez déjà.
Faites donc de nouveaux progrès !