Tu étais là quand mon Seigneur a été crucifié
Homélie de fr. Benedikt  |
le 13 avril 2025  |
Texte de l'évangile : Lc 22, 14 – 23, 56)

En 1946, dans un monastère trappiste, les jeunes moines discutent avec leur maître des novices sur un article récent qui décrivent les horreurs des camps d’extermination nazi loin à l’est. Tous sans exception se posait la même question : comment est-ce possible, comment on peut devenir si cruel ? Tous étaient indignés et révoltés et ils condamnaient bien sûr inimaginable de la guerre. Alors intervient celui qui a passé au monastère déjà plusieurs décennies, leur maître des novices, et leur dit : Si vous pensez que vous ne serez pas capable de faire pareil, vous ne vous connaissez pas encore.

Qui entre nous en effet pourrait affirmer que cette lueur de bonté qui est dans son cœur, ne pourra jamais se pervertir en cruauté pure ? Qui donnera sa vie plutôt que de faire mal à un de ces petits que le destin a soumis à notre bon vouloir ? Les inconnus, les sans voix, les anonymes, les oubliés. Oui, ceux qui exercent le pouvoir sur eux se font appeler bienfaiteurs. Et toi, comme le chante un gospel célèbre : tu étais là quand mon Seigneur a été crucifié.

Tout cela concerne Jésus en ce moment de sa Passion. Peu à peu on va oublier ce qu’il a fait de bon. Avez-vous donc manqué de quelque chose ? Non, nous avons tout reçu de toi. Et nous sommes si ingrats… Ceci est mon corps, donné pour vous.

Peu à peu Jésus deviendra étranger même pour ceux qui cheminaient avec lui ou qui ont vu les signes de son innocence. Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé.

Peu à peu on lui ôtera la voix, inutile face au sourde entêtement des accusateurs et l’arrogante superbe des juges. Il faut que s’accomplisse ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les impies. Ils lui avaient voilé le visage.

S’ils savaient seulement, s’ils pouvaient comprendre et se laisser toucher au fond de leurs cœurs ! Face à eux se trouve le reflet de leur cœur blessé et vidé du souvenir, de la mémoire. Même Pierre, quand on lui fait remarquer : Toi aussi, tu es l’un d’entre eux. il préfère dire : Je ne sais pas de quoi tu parles.

Chers frères et sœurs, ce vieux moine trappiste n’a pas dit sa remarque pour culpabiliser les novices. Pour briser leur générosité et surtout la confiance dans le bien qui était en eux, ou pour leur dire seulement : vous n’êtes pas meilleur que les autres. Il voulait certainement leur transmettre l’Évangile en sa totalité. La bonne nouvelle qui ne se laisse pas duper comme souvent se laisse notre égo : Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort.

De même Jésus n’a jamais condamné aucun de ses disciples. Même pas Judas. Il dit seulement aux femmes qui l’accompagnaient sur le chemin de la croix : pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Ce n’était pas une phrase de condamnation mais une parole de compassion : car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ?

Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font.

En effet ce n’est qu’après la mort de Jésus qu’on va oser dire : celui-ci était réellement un homme juste. Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine.

On pourrait dire: trop tard ! Ce n’est qu’une ironie ! La bonté reste impuissante ! Mais non. Ce souvenir, apparemment stérile, fait encore partie de la passion de Jésus Christ. De la compassion avec ceux auxquels on n’a pas pu aider, mais qu’on enterre avec les honneurs, selon les coutumes : elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit. Appartement on ne laisse au monde que la possibilité d’enterrer solennellement le Bien. C’est solennellement fatal. Un mémorial, qui une fois de plus, ne serait que reverse noble de l’absurde de la mort. Oui, chers amis, nous avons tous besoin d’être sauvés jusqu’à au-delà de la mort.

Alors l’Évangile nous suggère secrètement : car ce jour-là, c’était le jour de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat.

Écoutons, chers frères et sœurs, au début de la Semaine Sainte ces paroles de Saint Paul : Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et votre foi aussi est vaine : vous êtes encore dans vos péchés. Si Christ n’est pas ressuscité, ceux qui sont morts en Christ sont perdus, et nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.

Or Jésus est mort afin de rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés. Tout ce qui est dispersé, chers frères et sœurs ! Jusqu’à notre moi profond, capable de se livrer au désespoir du mal. Jésus est mort et ressuscité pour tous.