Un retour à l’amour
Homélie de diacre Jean-Marie Blondel  |
le 4 mai 2025  |
Texte de l'évangile : Jn 21, 1-19

Ils sont repartis vaquer à leurs occupations… ceux que Jésus a appelés
en premier : Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël, Jacques et Jean, et deux
autres disciples… Les fidèles parmi les fidèles. Ils reprennent leur
travail, comme trois ans plus tôt… Il faut bien vivre… Alors, on fait ce
que l’on savait faire… La pêche pour Pierre et ses amis…

D’ailleurs, le « Je m’en vais à la pêche » de Pierre ressemble à un «
tant qu’à faire, autant faire quelque chose d’utile maintenant que le
maître n’est plus avec nous… ». Après tout, si Jésus est parti, Pierre
et ses amis sont toujours de ce monde et la vie continue … Ils doivent
continuer à vivre même emplis de tristesse et d’incompréhension… La
belle aventure est-elle terminée, la désillusion est-elle là ? Il semble
bien triste ce petit matin au bord du lac de Tibériade. Et, en plus ils
ne pêchent rien… Même pas un petit poisson… Rien de rien… même pas
quelque chose à donner à cet homme qui les interpelle.

Mais l’aurore n’est-elle le début de tous les possibles ?

Oui, l’aurore d’une journée est toujours un moment privilégié pour
l’humanité, qui, à l’heure où le soleil pointe à l’horizon, salué par
les oiseaux chantant à tût tête, s’ouvre l’espoir de tous les possibles.
Plus encore, c’est le moment où l’Espérance s’invite dans nos âmes… Et
en ce petit matin qui nous invite au bord du lac de Tibériade, voici
que, sur le rivage, un inconnu, interpelle les disciples et leur
conseille de lancer le filet sur la droite leur promettant de faire
bonne pêche…

Les corps sont fatigués, les muscles sont courbatus, mais dans un
dernier élan, les pêcheurs obéissent… et c’est le miracle ! … Tant de
poissons sont récoltés qu’ils n’arrivent pas à tout ramasser…

Alors, l’apôtre que Jésus aimait, reconnaît le Maître « C’est le
Seigneur ! », s’écrie-t-il, et ce triste matin se transforme en un
merveilleux commencement qui va confirmer Pierre dans son rôle de berger
du troupeau des chrétiens.

Subtil rappel aussi du petit matin de Pâques où le Christ apparut sans
tambour ni trompettes aux femmes venues au tombeau (Elles aussi ne
l’avaient pas reconnu) … Subtil rappel de cette fameuse course vers le
tombeau au travers de Pierre l’impétueux qui se jette immédiatement à
l’eau et de Jean qui, le premier, reconnait le Maître. Subtil rappel de
la résurrection, à l’aurore d’un jour nouveau où le Christ nous ouvre
l’éternité ! Et, si Jean a été le premier à arriver au tombeau vide,
aujourd’hui, Pierre est le premier à arriver à la nage…

L’ami si cher est bien là, tranquillement présent au bord du lac, même
si son apparence physique semble avoir changée…

Et Pierre de reprendre l’initiative. Il va chercher la pêche, les 153
poissons, comme un patron, comme le patron de l’Eglise qu’il sera…
D’après certains spécialistes de l’Antiquité, cent cinquante-trois
espèces de poissons étaient répertoriés à l’époque. Ce chiffre prend
alors une valeur symbolique d’universalité : les apôtres découvrent leur
vocation à devenir des pécheurs d’hommes, en annonçant la Bonne Nouvelle
à tous les hommes, de tous les temps et de tous les espaces, « jusqu’aux
extrémités du monde ». La pêche est miraculeuse. Elle préfigure le
peuple de croyants que les apôtres amèneront au Christ.

S’en suit un repas frugal préparé par le Christ. Rappel de la dernière
cène et du don précieux de l’Eucharistie, il ressemble tant aussi à
celui de la multiplication des pains … Christ est venu donner en
abondance… Christ est venu se donner en abondance au travers du pain de
l’Eucharistie.

Alors, vient le face à face avec Simon Pierre et, en écho à ses trois
reniements au jour de la Passion, Jésus pose trois fois la même question
à l’apôtre : « M’aimes-tu ? ». Simon-Pierre fils de Jean m’aimes-tu plus
que ceux-ci ? Simon-Pierre, fils de Jean toi qui m’as renié trois fois,
m’aimes-tu ? Pas de reproche, pas de culpabilisation, pas de demande
d’explication, Jésus connait le cœur de l’homme. Un simple « m’aimes-tu
» : Lorsque quelqu’un vous demande si vous l’aimez, cela signifie qu’il
attend de vous un retour à l’amour qu’il vous porte, à priori. Cela veut
dire qu’il vous aime et qu’il n’attend qu’une chose : votre amour.

Jésus aime Pierre. Jésus pardonne à Pierre. Et c’est en réponse à cet
amour que Jésus, regardant Pierre, lui demande : « Simon, fils de Jean,
m’aimes-tu ? » De quel amour s’agit-il ?
L’amour dont parle Jésus n’est pas une affaire d’émotion ni d’affection
superficielle. Il s’agit ici de l’amour de charité, de l’amour
bienveillant, de l’amour total, du don de soi. Jésus nous a donné
l’exemple de cet amour, il l’a exprimé en acte en acceptant
volontairement de donner sa vie pour le salut de l’humanité.

A vrai dire, Jésus ne doute pas de l’amour de Pierre pour lui, mais il
veut l’entendre non seulement de sa bouche mais plus encore, du plus
profond de son cœur, comme ont jailli de ses entrailles ses larmes de
repentance au soir de la Passion…

La réponse d’amour que Dieu attend de Pierre est importante, elle est
nécessaire, elle est indispensable pour qu’il puisse lui confier la
mission qui l’attend. C’est une manière de lui dire que c’est seulement
dans sa fidélité d’amour à Dieu qu’il peut accomplir sa mission. Et
Pierre de répondre trois fois : « Oui, Seigneur, tu le sais ». Alors le
Christ peut lui confier d’être le berger de ses brebis. Et Pierre
servira son maître, dans l’amour et jusqu’à la mort.

Et aujourd’hui, à l’aurore de cette nouvelle journée naissante, le
Christ pose à chacun de nous la même question : « M’aimes-tu ? ».
Question qui demande une réponse sûre, ferme, sans ambages et sans
crainte, car suivre le Christ est le chemin le plus sûr que nous
puissions prendre dans nos existences.

Et cette question Il la posera, dans l’intimité, du conclave et du cœur,
au cardinal qui sera élu pour succéder au Pape François. Par sa réponse
humble et fidèle cet homme aura la charge de conduire l’Eglise,
succession bienheureuse qui guide l’Eglise depuis ce premier « Pierre
m’aimes-tu » posé dans le mystère d’une aube naissante. Cet homme, aura
la lourde charge de nous conduire, il devra, comme Pierre l’a fait,
répondre à la demande du Christ : « Seigneur, tu sais tout : tu sais
bien que je t’aime », sans crainte, avec confiance, pour aller là où il
n’imaginait pas…

Alors chers frères et sœurs, prions, prions intensément, pour que
L’Esprit Saint guide les pères du conclave dans leur choix et qu’Il
conduise ce nouveau Pape vers la volonté du Père en étant un saint
pasteur capable de guider son Eglise vers l’accomplissement bienheureux
de sa volonté. Amen