Une grande surprise
Homélie de fr. Benedikt  |
le 20 avril 2025  |
Texte de l'évangile : Jn 20, 1-9

Qu’est-ce que cela a dû être de ressusciter d’entre les morts ? Ce n’était certainement pas comme notre lever matinal après la troisième sonnerie du réveil. Qu’est-ce que cela a dû être que d’être miraculeusement arraché à l’étreinte de la mort ? Ce n’était pas non plus comme réveiller, sous le contrôle des médecins, un malade après un long coma. Pas plus que la résurrection de Lazare, qui a dû être libéré de ses bandelettes mortuaires, impuissant avancer seul.

Jésus n’était pas un miraculé qui a survécu à sa propre mort, un chanceux qui a échappé aux blessures mortelles d’un accident. Tout au contraire, nous croyons, chers frères et sœurs, que sa résurrection d’entre les morts est même la conséquence directe de sa mort ! Non pas de sa mort comme un échec, mais de sa mort comme un chemin d’obéissance et de l’amour immortel. Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix : c’était un piège pour la mort, nous dit la Tradition ! Se considérant définitivement victorieuse, la mort a été trompée et définitivement vaincue !

Jésus nous apprend que l’amour est immortel. Mais ce que nous croyons, savait-il cela lui-même en s’avançant au supplice, trahi par ses amis, abandonné par ses disciples ? Déchiré réellement par la mort, jusqu’à dans la certitude sensible de la foi ? Jésus s’abandonne entre les mains de l’Amour et librement il fait un pas ultime de l’amour, en direction de notre salut. Mort pour nous, il ressuscite aussi pour nous ! Cette déchirure, chers frères et sœurs, est guérie définitivement aujourd’hui, en ce matin de Pâques. Notre course vers les étreintes de la mort a été confuse. La mort n’est plus certaine !

Nous le voyons dans l’Évangile de ce matin avec Marie-Madeleine, Pierre et Jean : leur course, qui suit les traces d’un mort, rencontre les traces de la Vie vivante ! On dirait un obstacle soudain et imprévisible, sur une route familière et banale. Tous doivent y passer. C’est douloureux, mais c’est normal… En effet, c’est par une grande surprise, qu’est née notre foi aujourd’hui ! La foi et la joie ! Marie-Madeleine, Pierre et Jean, tôt le matin, le premier jour après le jour de repos, un jour ordinaire de travail des gens ordinaires, sur leur route vers le tombeau, ne rencontrent pas ce à quoi ils s’attendaient : ils ne rencontrent pas la mort là, où la cours s’arrête ordinairement, mais ils rencontrent une nouvelle forme de vie, une nouvelle valeur de la vie, un vrai nouvel ordre mondial, car les choses ne seront plus jamais comme avant ! La résurrection du Christ s’est opposée à la course ordinaire de la mort. Le Ressuscité a obstrué l’unique chemin droit, sur lequel l’homme a marché jusqu’à présent, comme du bétail conduit à l’abattoir.

Les sépulcres sont leurs demeures pour toujours, leur habitat pour toutes les générations, bien qu’ils aient donné leur nom à des pays entiers. Car l’homme ne demeure pas dans la prospérité ; il est comparé au bétail qui périt. Tel est le sort de ceux qui se confient en eux-mêmes… ils sont conduits au séjour des morts comme des brebis, la mort les broute, ils descendent directement au tombeau. Le séjour des morts est leur demeure. Cette route, décrite de manière évocatrice par le psalmiste, le Christ la bloque, ne laissant passer personne, sans la lumière d’une rencontre avec Lui ! Si l’on veut franchir les portes de la mort, il faut désormais le rencontrer, Lui, le Vivant ! Entendez bien ! Si quelqu’un veut franchir les portes de la mort, il faut rencontrer, Lui, le Vivant !

Pour l’homme, la mort était la fin de toute espérance. Il n’y avait d’espoir ni dans les grandes, ni dans les petites souffrances. Mais la Résurrection de Jésus apporte, même dans notre vie ordinaire et quotidienne, un nouvel ordre des choses. Le Christ dit à la mort : désormais, c’est moi qui fixe les limites pour toi, pas toi à moi. Je suis ressuscité en tant que juge des grandes et des petites souffrances humaines et je dis : voici la limite ! Désormais, l’homme m’appartient ! Les grandes et les petites souffrances sont désormais divisées intérieurement. Elles ne sont plus absolues. En chacune d’elles la bonne parole de Jésus ressuscité retenti : Adam, toi, la boue de la terre, toi le souffrant sans espoir, tu es à moi !

Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu, le dit autrement saint Paul, et il ajoute, comme s’il s’adressait à Marie-Madeleine, à Pierre et à Jean, déboussolés : si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. On pourrait dire cela parfaitement aussi de la joie que nous éprouvons aujourd’hui, chers frères et sœurs. À la suite des apôtres et de Marie-Madeleine qui se demandent : mais où est le Christ ? La joie avec un point d’interrogation … Où est mon Seigneur ? Pierre écrira plus tard : vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi.

Qui est donc le Christ pour moi ? Où est-il ? Pourquoi me réjouir aujourd’hui ? La réponse à ces questions est cachée avec le Christ dans une autre question : qui suis-je donc moi pour Dieu ! Qui pourrais-je être, s’il a tant fait pour moi !!! Il est la Vie pour moi ! Celui qui s’oppose à la mort dans chacune de mes morts et transforme ma course vers la tombe en une course vers Lui, vers Dieu que nous aimons et en qui nous nous réjouissons d’une joie inexprimable et pleine de gloire.

Oui, chers frères et sœurs, le Christ, notre vie, est ressuscité. Dieu l’a établi juge des vivants et des morts. Ce n’est plus la mort qui est le chemin, mais c’est Jésus, le Chemin, la Vérité et la Vie. Chacun de nous sur sa route de souffrance et de la mort non seulement peut, mais désormais doit rencontrer Jésus et l’interroger : est-ce ma fin ? L’amour est-il vraiment immortel ? Ça me concerne aussi ? Et mes proches et mes amis ? Sommes-nous tous concernés par ce que tu as vécu, Jésus ? De quel sens peux tu témoigner ? Alors Jésus se joint à notre voyage, patiente que nous tournions nos cœurs vers le Dieu vivant et nous dit : Pendant quarante ans, cette génération m’a déplu ; j’ai dit : C’est un peuple dont le cœur est errant, qui ne connaît pas mes voies. Mais je le sauverai, je l’aime, je suis ton Sauveur et ton Dieu. Amen. Alléluia !